Après moult ouvrages abordant des sujets tels que l'hygiène ou l'histoire du viol, Georges Vigarello choisit désormais de se consacrer au corps et se livre à une analyse de la beauté à travers les siècles dans son dernier ouvrage, Histoire de la beauté. Ce professeur à l'université de Paris V, directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et codirecteur du CETSAH (Centre d'Etudes Trandisciplinaires, Sociologie, Anthropologie, Histoire), nous propose d'étudier le changement des codes, le déplacement du regard, la mutation du discours sur la beauté, la sensibilité des images, depuis la Renaissance jusqu'au XXème siècle. Qu'il n'y ait pas de beauté universelle et que chaque civilisation, ou période historique façonne son propre idéal de beauté est une idée quasi triviale. Cependant, il n'en a pas toujours été ainsi, en ce sens qu'elle était manifestation de la grâce divine. Cet ouvrage novateur retrace le passage de la beauté au singulier à la beauté au pluriel. Le propos est inventif, car il s'agit de cerner une notion auparavant frivole et dangereuse, qui acquiert de nos jours la dimension d'un impératif moral.
[...] Il est très difficile de prendre du recul par rapport à ce que l'on vit. Nous-mêmes, lecteurs, il nous est complexe de prendre du recul par rapport à l'œuvre d'un auteur contemporain, comme ici celle de Georges Vigarello. Néanmoins, nous pouvons noter que chaque période, ici chaque siècle, et dans la mesure du possible,adapte son idéal de beauté, par son contexte, et ses innovations. Rien n'est anodin. Georges Vigarello tente de le prouver, ne négligeant aucune piste, jusqu'à utiliser des revues féminines, disséquant ainsi méticuleusement le patrimoine que l'histoire nous a laissé. [...]
[...] Toutefois, il existe encore une certaine hiérarchisation du corps, le haut étant toujours plus privilégié. Les règles sont spécifiées et des frontières se tissent entre l'intime et le social par exemple cette femme qui ne peut porter de mouche devant son mari. La fin du siècle classique voit éclater une guerre contre le fard, la poudre ou autres artifices coupables de transformer les hommes en idole de vanité. Le parti dévot mènera une lutte contre les dévoyés avant que Rousseau notamment ne dénonce la coquetterie comme mensonge envers les hommes, au nom d'un rêve de transparence. [...]
[...] La femme est belle parce qu'elle est soumise. Modestie, humilité, chasteté caractérisent la manière d'être féminine à la Renaissance. Jamais une femme effrontée ne peut être belle, et seule la contention, celle des chairs et de l'esprit, différencie la paysanne, femme lourde et imposante de la femme raffinée, d'une apparence plus légère, bénéficiant des critères du parfait, c'est-à- dire,une divine proportion L'homme quant à lui, a été créé pour supporter le travail et la peine avec un courage invincible En ce sens, il doit impressionner plus que séduire. [...]
[...] Cela accompagne certainement l'importance qu'acquiert le médical, qui scrute les formes et permet aux femmes de porter des corsets plus souples, et donc moins dangereux pour leur corps. Celui-ci au XIXème siècle ne sera plus seulement un danger, il (sera) un obstacle Georges Vigarello se propose ensuite d'étudier la beauté désirée du XIXème siècle. Le tournant se poursuit et l'éloignement de la religion se confirme. Le nu apparaît, la provocation, le désir suscité par la littérature de Zola par exemple lorsqu'il décrit la célèbre Nana. [...]
[...] Les stars égéries de la beauté semblent accessibles à tous et à toutes. A lovely girl is an accident, a beautiful woman is an achievement”, proclame le journal Vogue. Les dieux du stade, film de Lenni Riefenstahl, montrent très bien l'inquiétante obsession de la volonté dans les prémices du troisième Reich. Mener une vie d'homme, mais rester une femme tel est le nouvel objectif qui s'installe. La beauté moderne est marcheuse et fonceuse, elle affiche avec orgueil sa tonicité et sa ténacité. [...]
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