Graeme Turner, Film as Social Practice, sociologie du cinéma, expérience sociale, émanation idéologique, interactions sociales, analyse, analyse sociologique, production culturelle, loisir populaire, études cinématographiques
Dans son analyse de la sociologie du cinéma, Turner (1999) observe que le film en tant que produit artistique a été analysé sous divers angles, couvrant la structure de la trame du film, les interactions sociales entre les différents individus et institutions impliqués dans la production et la distribution du film, ou encore l'industrialisation de la production du film à Hollywood aux États-Unis (ou Bollywood en Inde comme symbole de l'appropriation d'un bien culturel par le mode de production capitaliste. Turner relève cependant que ces analyses se focalisent sur l'aspect esthétique du film comme bien culturel, plutôt qu'à sa qualité intrinsèque d'évènement culturel et de représentation des dynamiques d'interactions sociales dans le monde réel.
[...] En tant que tel, le film peut être révélateur des tendances culturelles incorporées dans les loisirs de masse. Cela ne relève pas uniquement de questions de goûts esthétiques - mais bien de conflits symboliques ou réels, de débats politiques ou sociaux qui peuvent apparaître, même d'une manière complètement superficielle dans le film. Le fait que Turner se focalise sur les années 1960 et 1970 aux Etats-Unis n'est pas un hasard : cette période correspond par exemple à une prise de conscience des inégalités raciales et répression des aspirations de la population Afro-américaine, l'émergence d'une expression publique des revendications de la communauté LGBT, et plus généralement une remise en cause d'une fausse image de l'Amérique, blanche, hétéro-normée et prospère. [...]
[...] Ces films peuvent être considérés comme des réponses subversives à une Amérique en mal de patriotisme, engagée dans une guerre au Vietnam aux motifs douteux. Les studios Hollywood ont produit des films qui peuvent s'apparenter à une propagande en faveur du statu-quo comme les Bérets Verts (1968) et Patton (1970). Le choix de deux films de guerre n'est pas dû au hasard, puisque la représentation d'une Amérique armée et victorieuse renvoie aux symboles de virilité, mise à mal par les changements profonds que subit la société américaine à l'époque. [...]
[...] Turner cite en particulier le film "The Graduate", qui relate une histoire romantique complexe entre un jeune diplômé oisif et onirique - joué par Dustin Hoffman- sa voisine plus âgée et attractive, jouée par Anne Bancroft- et sa jeune fille naïve, Katharine Ross. Le film est marquant pour la génération de la fin des années 1960, car il réussit à personnifier des aspects-clefs de cette période : une recherche effrénée du plaisir et du loisir à la limite de l'oisiveté - on pense notamment à la scène où le personnage de Dustin Hoffman flotte dans piscine de ses parents alors que ces derniers lui demandent ce qu'il compte faire comme carrière professionnelle- mais également une vague sensation de mal-être, personnifiée par le langage corporelle d'Hoffman et Ross dans la dernière scène du film. [...]
[...] Les auteurs déterminent ainsi la salle de cinéma comme un "Laboratoire de l'organisation sociale et des nouvelles pratiques de transmission". En effet, la socialisation en cinéma ne se passe pas seulement par les normes et valeurs véhiculées par le film projeté, mais également par l'ensemble des normes de comportement à adopter, ou au contraire à bannir, faisant ainsi de la salle de projection un microcosme de la société et des mécanismes de socialisation aux normes communes - ne pas parler ou chuchoter durant la projection, exprimer d'une certaine manière son agacement et sa désapprobation lorsque des spectateurs arrivent en retard, ou encore faire preuve de patience au moment où la projection se termine et qu'il faut quitter la salle. [...]
[...] La deuxième partie s'intéresse ensuite au film et au cinéma plus généralement comme des émanations idéologiques - l'expression des normes et valeurs que les classes dominantes cherchent à imposer ou pérenniser, ou encore l'expression d'un caractère national comme l'évoque Turner pour le film australien, ou encore l'effort de l'Etat en France à entretenir une production cinématographique domestique typiquement française. Cette partie s'intéresserait ainsi à la fois au rôle du cinéma comme relais culturel des classes dominantes et de leur idéologie, mais également sur les canaux d'influence qu'exerce le cinéma comme média de masse. Enfin, la troisième partie s'intéresse plus particulièrement au film comme expérience de fait social dans la salle de cinéma. [...]
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