Lorsque Le Deuxième Sexe paraît en 1949, le bandeau du livre porte comme sous-titre « La Femme cette inconnue ». Cette révélation de la nature de la femme, par une femme, fut accueillie par un immense scandale. Mis à l'index par le Vatican, l'essai fut également mal reçu en France malgré les vingt-deux mille exemplaires du premier tome qui y furent vendus en une semaine.
Son auteur, Simone de Beauvoir partage avec son compagnon Jean-Paul Sartre la même philosophie existentielle : l'existence ne va nullement de soi, elle a besoin d'être prouvée et définie. Elle choqua au moins autant que son livre. Révoquée par le ministère de l'Education nationale du gouvernement de Vichy, on lui reprocha de pervertir ses élèves en leur enseignant la psychanalyse et en leur recommandant de lire Proust et Gide alors que l'Etat français tentait de restaurer les valeurs traditionnelles que la République avait détruites. Néanmoins par cet ouvrage, elle est reconnue comme la mère de la seconde vague de féminisme. Dans une préface datant de 1990, Benoïte Groult dit même du Deuxième Sexe qu'il est « le texte fondateur dont en tous lieux, depuis quarante ans maintenant, le féminisme se réclame ».
Dans cet essai, Simone de Beauvoir se demande « qui suis-je en tant que femme ?» révélant ainsi les incertitudes des femmes par rapport à leur rôle social. Alors que le droit de vote des femmes a été accordé récemment, alors que leurs libertés se développent, l'auteur se demande comment définir le rôle et la position de la femme dans notre société. Qu'est-ce qu'une femme pour Simone de Beauvoir? La femme indépendante existe-t-elle? Si la femme apparaît comme une éternelle soumise à la liberté chimérique (I), elle est en réalité bien plus : elle est une construction sociale (II) d'où l'illusion d'accorder à la femme, et même à l'artiste féminine, le statut de femme indépendante (III).
[...] L'indépendance civile est insuffisante et l'indépendance économique est illusoire pour la majorité des femmes. Quand bien même une minorité de femmes parviendrait à être autonome économiquement, aucune n'a une indépendance totale, aucune n'a une indépendance sociale. La féminité est en réalité une construction sociale et historique. Il n'y a pas de nature féminine. Ainsi même la plus indépendante des femmes, la femme artiste, est enfermée dans ce carcan féminin qui l'empêche d'être totalement libre et d'atteindre le génie. I. La femme, une éternelle soumise à la liberté illusoire A. [...]
[...] Certes, in fine, elle incrimine la volonté masculine d'expansion et de domination qui transforme l'incapacité féminine en malédiction, mais elle pose bien en premier lieu les désavantages biologiques qui handicapent les femmes (même si elle dénonce les femmes qui tendent à les exacerber). La lutte des sexes est entretenue par le fait que l'homme ne reconnaisse pas la femme comme son égale. Les femmes doivent donc être éduquées comme les garçons, éduquées à la liberté. L'espoir pour l'avenir est justement que ce rapport homme/ femme n'a pas une essence biologique, mais sociale, il peut donc être changé. [...]
[...] La postérité du Deuxième Sexe est immense. Par sa distinction entre sexe biologique et sexe socialement constitué, Simone de Beauvoir ouvrit la voie aux études sur la notion de gender. Nombre de ses thèmes serviront de fondement théorique aux revendications féministes : l'avortement, le droit à la contraception ou la revendication d'une sexualité librement choisie. Presque soixante ans après la publication de l'œuvre, les femmes des pays occidentaux ont acquis la maitrise de la reproduction, elles peuvent accéder aux mêmes études que les hommes, la maternité ne représente plus un idéal obligatoire, les nouveaux pères prennent à cœur leurs responsabilités et les couples se séparent plus facilement. [...]
[...] La femme est l'inessentiel en face de l'absolu. Si l'homme est sujet, la femme est objet, si l'homme est absolu, la femme est relative. Sa conception de la libération laisse à penser que la femme doit se conforter à l'idéal masculin. Simone de Beauvoir dresse des portraits typiques, décrit des situations et non des caractères intemporels. L'auteur alterne entre compréhension et critique. Elle semble tout d'abord adhérer aux pensées de son personnage puis elle s'en désolidarise. Les rythmes ternaires, avec leurs variantes et les allitérations renforcent le ridicule du personnage. [...]
[...] Simone de Beauvoir a des talents de polémiste. Elle argumente toujours, réfute des raisonnements et montre leur contradiction. Son ton est virulent contre ses adversaires. Ainsi, elle réalise un savoureux pastiche de la littérature féminine conservatrice qui chante poétiquement les valeurs traditionnelles de la bourgeoisie (page 77 du recueil de textes). Le Deuxième Sexe est né d'un désir autobiographique et il en reste des traces dans l'emploi du je témoin, collecteur de confidences ou observateur d'anecdotes significatives. Elle découvre ce qui dans son expérience relevait de cette même condition. [...]
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