Michel et Françoise Panoff sont deux anthropologues connus et reconnus pour leurs monographies, notamment spécialisées dans l'étude de sociétés de l'Océanie. Michel Panoff assoit d'ailleurs à ce titre les fonctions de directeur de recherches au CNRS et de secrétaire général de la Société des océanistes. Dans leur ouvrage collaboratif L'ethnologue et son ombre, publié en 1968, ils entendent, à l'heure de la décolonisation africaine et de l'avènement d'un renouvellement de l'approche anthropologique, définir ou redéfinir les principes directeurs essentiels au travail de l'ethnologue. L'une des manifestations de cette visée méthodologique se cristallise ainsi dans le propos du premier chapitre, des pages 17 à 59, que nous nous proposons d'étudier ci-après.
[...] En effet, l'éventualité d'un déchirement voire déracinement résultant de la transposition du regard de l'anthropologue sur cette société vers l'acteur en étant membre doit être envisagée, et peut être contrée via l'établissement de quelques stratégies spécifiques. Recourir successivement à divers interprètes, éviter autant que possible le tête-à-tête avec les informateurs privilégiés avec lesquels une extrême confiance a été développée, ou interrompre temporairement son séjour est ainsi des solutions efficientes à ce problème. Dans la même optique de minimisation maximale de l'ascendant ou influence pouvant être exercée sur la communauté exotique, les auteurs soulignent l'importance d'un recours à une sorte d'indifférence à son égard. [...]
[...] C'est ce que les auteurs vont illustrer à travers plusieurs exemples concrets, de terrain, probablement véridiques puisque portant notamment sur des sociétés d'Océanie, leur sujet d'étude de prédilection. Deux cas différents sont soumis au lecteur, l'un situant l'arrivée de l'anthropologue au sein d'une population hospitalière, par exemple polynésienne, l'autre prenant son contre-pied, présentant l'arrivée de l'anthropologue au sein d'une population traditionnellement moins hospitalière, telle qu'une société africaine. Ceux-ci statuent communément sur la question du logement initial, en établissant qu'il s'avérera à terme plus efficient pour l'ethnologue de loger chez l'habitant, soit d'effectuer une immersion réelle, plutôt que chez un représentant du monde occidental qui l'isolerait de la société étudiée. [...]
[...] En effet, outre la problématique de la scientificité des données recueillies, première raison de l'établissement obligatoire d'une distance vis-à-vis des acteurs de la communauté, celle-ci s'avère également nécessaire du point de vue d'un impératif éthique. Si la distance a jusqu'à présent été envisagée dans sa valeur de rigueur scientifique, c'est son aspect de réponse à des critères éthiques qui est désormais examiné à compter de la page 37. En effet, l'une des exigences fondamentales reposant sur le scientifique, sur laquelle insistent Michel et Françoise PANOFF, se matérialise en l'annonce immédiate de son statut à la société étudiée. [...]
[...] Pour autant, celle-ci ne doit pas être obsessionnelle, mais à nouveau dosée avec parcimonie. Mais son caractère utile, voire indispensable, ne s'impose pas que dans l'élaboration des premiers contacts. En effet, il apparaît à plusieurs reprises judicieux de recréer cette distance. Là encore, des illustrations concrètes sont employées par les auteurs pour étayer cet axiome méthodologique. Un cas excessif se présenterait par exemple dans la tentation réalisée de prendre une maîtresse locale, censée aider l'appréhension d'une société de l'intérieur puisque moins sujette aux réticences usuellement présentes dans l'interaction. [...]
[...] Surtout, en feignant une identité autre, ce dernier risquerait d'influencer à ce titre la société donnée, et ainsi de multiplier les biais dans les données observées. C'est finalement autour d'une obligation morale pesant sur les épaules de l'ethnologue, liée à sa mission de témoin, que celui-ci doit organiser nombre de ses comportements. En effet, trois types d'allégeances marquent cette nécessité de prise en considération de cette dimension éthique. L'anthropologue appartient tout d'abord à une communauté scientifique, à laquelle il doit des comptes en tant que membre contributeur de celle-ci, d'où le déploiement d'une humilité de la même façon, il appartient à une civilisation, immédiatement identifiable par les sociétés exotiques comme la société blanche occidentale, d'où une résurgence parfois possible d'un conflit latent issu de la colonisation, et doit en ce sens faciliter l'action sur place des médecins ou autres corps de métiers prodiguant des services de première nécessité. [...]
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