Norbert Elias né en 1897 à Breslau et mort en 1990 fut un sociologue juif allemand dont l'œuvre est aujourd'hui reconnue. Son parcours débute ainsi en 1924 où il soutient sa thèse de philosophie à Breslau. Parti pour Heidelberg, Elias fait cependant l'essentiel de sa carrière en Angleterre où il devient professeur en 1962, car dès 1935, inquiété par les nazis, il s'était enfui d'Allemagne.
Clairement influencé par Weber, Nietzsche et Freud, l'ouvrage La Dynamique de l'Occident en est à ce titre un exemple significatif, les apports d'Elias sont désormais indiscutables dans les sciences sociales. Il faut toutefois souligner que la reconnaissance de son œuvre fut tardive, on ne le redécouvrit en France que dans les années 1980, 1990, Raymond Aron fut un des premiers à comprendre l'importance de ce livre. Ainsi, Elias ne reçut le prix Theodor-W-Adorno qu'en 1977 pour son travail le plus connu c'est-à-dire Über den Prozess der Zivilisation. Cet ouvrage publié en 1939 dans un anonymat presque absolu, ne fut traduit en français qu'en 1973 puis 1977 en deux volumes avec d'une part La civilisation des mœurs et d'autre part La dynamique de l'Occident sur lequel notre analyse va porter. Le reste de son œuvre comme le souligne Alain Garrigou est : « une déclinaison » du processus de civilisation avec par exemple La société de Cour en 1974, Sport et civilisation. La violence maîtrisée en 1994. Son œuvre est une sociologie des « configurations », des « réseaux », des « processus », Elias aborde donc le social sous un angle relationnel.
[...] Ainsi, l'évolution vers la modernité se caractérise par l'expansion de cette rationalité dans tous les domaines de la vie sociale. En ce sens Elias s'oppose totalement à Max Weber qui constate que la rationalisation du monde aboutit à une perte de sens et de liberté humaine, ce qu'il voit concrètement dans le phénomène du développement de la bureaucratie. Pour Weber, la rationalité constitue ainsi une cage de fer la rationalisation est alors ce mouvement moderne lié à la domination de la rationalité bourgeoise. [...]
[...] Une structuration en grande partie liée à l'État absolutiste qui va créer des formes sociales et notamment la société de cour comme le souligne Roger Chartier. La société de cour qui exigeait des normes de comportement bien définies a à cet égard un pouvoir non négligeable d'attraction sur la couche bourgeoise, Elias n'écrit-il pas à la page 280 : les bourgeois [ ] cherchent à s'introduire dans la société de cour De facto, ceux qui désirent se faire reconnaître doivent renoncer à leurs particularismes et entrer dans le jeu des règles de la compétition curiale. [...]
[...] C'est grâce à cette réflexion basée sur une psychologie historique qu'Elias fournit un modèle pour analyser sur le long terme la dynamique des sociétés comme le souligne Catherine Colliot-Thélène. Cependant les critiques adressées à Elias ne furent pas inexistantes, a contrario de Weber, il semble qu'Elias ait minoré le rôle de la religion dans la diffusion de nouvelles normes comportementales et dans la transformation de l'habitus. Bourdieu également dira qu'Elias ne fait que reprendre l'apport wébérien, il écrit ainsi que la problématique d'Elias : prolonge et amplifie certains thèmes wébériens et où elle essaie de mettre en relation un processus de psychosociologie historique et un grand processus historique, la constitution de l'État qui s'assure progressivement le monopole de la violence physique légitime Pourtant de par son analyse, Elias permet de donner des pistes à ce problème de la première modernité des XVIe et XVIIe siècles, c'est-à-dire, celui d'une modernisation étatique qui ne s'explique plus que par la modernisation de l'économie proposée par Marx et ses successeurs. [...]
[...] La prévisibilité et régularité croissante des conduites des individus qu'Elias constate, est un phénomène majeur qui en s'établissant au moment de la centralisation du pouvoir, voit les contraintes extérieures exercées par l'individu ou une institution devenir moins effectives que les autocontraintes comme l'auteur le souligne à la page 182. Autrement dit, on entre alors dans le processus de civilisation. Avec ce processus de rationalisation, Elias établit un rapport entre la formation de l'État moderne et le développement de cet esprit de stratégie. [...]
[...] Cependant les élites bourgeoises se réapproprient ces codes et ce faisant leur enlèvent toute valeur sociale, obligeant les aristocrates à en élaborer des nouveaux. L'auteur souligne de manière récurrente la poussée constante des couches sociales bourgeoises qui provoque une peur chez la couche sociale aristocratique qui veut à tout prix maintenir sa supériorité, Elias écrit ainsi à la page 212 : et c'est cette crainte inoculée à chaque individu sous forme d'idée obsessionnelle [ ] la régulation rigoureuse des pulsions Malgré cela la curialisation des élites bourgeoises et les rapports ambivalents qu'ils entretiennent permettent d'enclencher le processus d'aristocratisation de la bourgeoisie qu'Elias distingue en deux phases, une phase d'assimilation qui s'explique par la volonté des bourgeois de bénéficier des mêmes privilèges de l'aristocratie à une phase de répulsion, de différenciation comme on l'a souligné. [...]
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