« Il n'est pas exagéré de considérer la méthode sociologique comme la voie privilégiée pour appréhender une action politique qui sera principalement une action morale ». Voici ce que dit Alain Policar pour présenter Emile Durkheim.
Issu d'une famille juive en 1858, Durkheim se veut avant tout reconnaissant de la Nation française qui a permis l'émancipation de sa minorité religieuse. Ainsi il réfléchira d'abord sur les notions d'intégration et de solidarité de l'individu au sein de la société. Sa sociologie est ancrée dans une démarche holiste. En ce sens, il part du tout social pour envisager le reste de la société. Son environnement familial (son père étant rabbin) l'incitera à penser la place de la religion et de la morale au sein de la société.
Que ce soit à travers ses deux grands ouvrages De la division du travail social (1893), et Le suicide (1897), ou bien dans L'Allemagne au dessus de tout (1915), l'œuvre d'Emile Durkheim est tournée vers trois buts : fonder une science nouvelle des « faits sociaux », adopter une méthode scientifique associant l'empirique à la théorie, et enfin, élaborer les règles d'une morale collective s'appuyant sur des valeurs fondées rationnellement. En ce sens, Durkheim est réellement le père d'une sociologie moderne.
A l'inverse de ce que Aron et Giddens lui reprochent, Durkheim ne néglige pas la sociologie du milieu international. Ses travaux ne sont cependant pas beaucoup repris par les contemporains. Pourtant, on peut à juste titre se demander si sa réflexion au sujet de l'irréductibilité de l'Etat n'est pas déjà une prémisse au paradigme réaliste et si par l'évocation de la notion de « communauté internationale » Durkheim n'a pas inspiré les sociologues du fait transnational plus d'un siècle plus tard.
Ainsi nous verrons d'abord qu'il tisse une certaine continuité entre l'individu au sein de la société et l'Etat comme membre de la « communauté internationale ». Nous verrons ensuite qu'il intègre l'Etat dans un ensemble plus vaste qui agit par des contraintes et des lois morales que l'Etat ne peut pas négliger. Enfin, nous aborderons les limites que Durkheim attribue à cette « communauté internationale ».
[...] Pour Durkheim : y aura toujours ( ) une pluralité d'Etats dont le concours sera nécessaire pour réaliser l'humanité. Dès lors, il apparaît que l'humanité s'inscrit avant tout dans une complémentarité entre Etats plus que dans l'idée d'un Etat mondial. Seule cette perspective, que doit adopter chaque Etat permet une pacification éventuelle. C'est de cette idée que découle le fait que l'Etat constitue une entité ne pouvant être dépassée. Cette théorie rejoint la conception selon laquelle les échecs successifs de Napoléon puis d'Hitler concernant leurs tentatives de conquêtes serait dus à une impossibilité d'impérialisation de l'Europe. [...]
[...] Ces sentiments sont générateurs de contraintes. Ainsi, Durkheim applique ces trois sentiments à l'Etat et s'interroge sur le fait de savoir si l'humanité doit être ou non subordonnée à l'Etat : La question est de savoir si l'humanité doit être ou non subordonnée à l'Etat. Pour le sociologue, l'individu est soumis à deux sentiments : celui envers la patrie et celui envers l'humanité. Le sentiment patriotique apparaît comme le plus moral et devant s'élever au-dessus de tout. Cette vision s'ancre directement dans le passé de Durkheim qui, issu d'une famille juive, glorifie la France d'avoir permis l'émancipation des juifs au sein d'une communauté franco-judaïque. [...]
[...] Les seules limites à l'exercice de cette souveraineté ce sont les traités contractés par les Etats. Cependant, ces traités sont l'émanation de la propre volonté de l'Etat contractant. Ainsi, leur existence ne dépend que de l'appréciation que l'Etat fait de la situation internationale à un moment donné. Le seul devoir de l'Etat étant de projeter sa puissance aux yeux de tous, l'Etat peut rompre voire même violer tout contrat afin de remplir ce devoir. En ce sens, le contrat entre Etats est de nature différente du contrat entre particuliers. [...]
[...] Durkheim pense remarquer ici une réduction de la conscience collective, un affaiblissement des mouvements collectifs et surtout une marge plus importante d'interprétation des impératifs sociaux[3]. Aucune société n'étant parfaite, Durkheim décèle dans la société organique des imperfections provoquant des situations de crises, sujet qu'il aborde largement dans Le Suicide (1897). Toute la difficulté des sociétés modernes est de gérer les relations entre l'homme et le groupe au sens large du terme. En effet, selon la définition de Durkheim, la société représente à la fois un volume important d'individus mais aussi une densité matérielle et une densité morale au sens des communications entre les hommes, qu'il faut sans relâche consolider. [...]
[...] Durkheim envisage la vision de Treitschke en reprenant des notions du biologiste Claude Bernard. Pour lui une telle approche de l'Etat relève du pathologique En opposition au fait social normal le fait social pathologique est pour Durkheim celui qui revêt un caractère de rareté. Ainsi il évoque l'outrance des ambitions de l'Allemagne son hypertrophie morbide de la volonté la nature pathologique de ses actes qui relève d'une réelle pathologie sociale Autant de caractéristiques qui se traduisent dans les projets d'invasion de l'Allemagne au début de la première Guerre Mondiale comparables selon Durkheim aux romans de Jules Vernes et de Wells. [...]
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