Michèle Lamont, née en 1957, est professeur de sociologie à l'Université de Princeton puis devient professeur de sociologie et d'études africaines et afro-américaines à Harvard en 2003. Michèle Lamont peut être considérée comme une sociologue culturelle spécialisée en sociologie de l'inégalité, de la race et de l'ethnicité ; sociologie du savoir ; sociologie des études supérieures ; théorie sociologique et sociologie comparative et qualitative. Ses recherches portent notamment sur l'influence des notions communes de valeur sur les hiérarchies dans divers domaines sociaux. La dignité des travailleurs a obtenu plusieurs prix aux États-Unis.
La dignité des travailleurs présente la vision du monde et de la société selon les individus de la classe ouvrière américaine et française. C'est-à-dire essentiellement des « cols bleus » et quelques « cols blancs » (petits employés de bureau) qui ont des emplois stables et qui n'ont pas fait d'études supérieures. Ce groupe représente 40 % de la population des États-Unis (1990) et joue donc un rôle social et politique important notamment dans l'agenda des partis politiques et les stratégies électorales. Selon l'auteur, les universitaires, diplômés et politiciens ont des difficultés à percevoir la façon dont ce groupe comprend le monde et la société, c'est-à-dire la manière dont ils définissent leur identité, conçoivent leur valeur de soi, la hiérarchie sociale et surtout leur interprétation des différences et des similitudes qui les distinguent ou les rapproche des autres. C'est dans ce contexte que l'auteur a voulu mener une étude sociologique pour mettre au-devant de la scène les voix de la classe ouvrière et dans le même coup éclaircir les gens issus de classes plus élevées (politiciens, diplômés) sur la façon dont les travailleurs comprennent le monde.
[...] Cette étude permet aussi de penser le racisme autrement que par la simple indignation morale qu'elle suscite habituellement. En effet, l'étude montre que les distinctions raciales chez les travailleurs sont légitimées par des valeurs morales qu'ils s'attribuent en opposition à d'autres qui ne respectent pas ces valeurs. D'une manière plus générale, la présentation de la façon dont les travailleurs comprennent le monde peut permettre aux classes plus élevées d'élargir leur point de vue et de mieux comprendre la classe ouvrière. [...]
[...] Les frontières de race Ce sont essentiellement des critères moraux comme vus précédemment qui vont servir à établir des frontières de race au sein des travailleurs. Les travailleurs blancs perçoivent les travailleurs noirs comme étant généralement paresseux, irresponsables et dépendants des allocations. Ces traits que leur attribuent les blancs sont en fait tout l'opposé de l'identité que se donnent les blancs interviewés. Les noirs sont vus comme des utilitaristes paresseux, qui comptent sur les allocations auxquelles les blancs courageux auraient contribué. Cette frontière raciale est accentuée à l'époque de l'étude par les politiques de discrimination positive pour les noirs (affirmative action). [...]
[...] Travailler dur et être responsable : La lutte pour s'en sortir et ne pas abandonner malgré les incertitudes économiques et la situation précaire des travailleurs forge une identité essentielle chez les travailleurs. Ceux-ci développent ainsi un soi discipliné dont la devise est de se battre pour survivre. Le travail constitue par conséquent une valeur morale importante, les travailleurs tendent à admirer ceux qui travaillent beaucoup et qui ont plusieurs emplois par exemple tandis qu'ils méprisent ceux qui ne sont pas courageux et qui se plaignent. Le sens des responsabilités représente aussi une qualité importante et se manifeste pour les travailleurs par une bonne gestion du budget et du temps par exemple. [...]
[...] L'auteur fait une distinction entre les travailleurs noirs et blancs, car ils ne subissent pas le même degré de racisme, et les noirs ont des positions économiques généralement plus précaires. Nous verrons que la place centrale qu'occupe la moralité lorsque les travailleurs évaluent les autres constitue l'argument principal du livre. Cela engendre la mise en place de frontières de classe et de race. L'ouvrage se divise en deux grandes parties : la première traite des travailleurs américains (l'auteur entend par là Etats-Uniens) et la deuxième se concentre sur les travailleurs français dans le but de les comparer avec les travailleurs américains étudiés dans la première partie. [...]
[...] Les travailleurs placent aussi l'intégrité haut dessus de la flexibilité. La franchise est associée au courage, à la dignité et à une fierté. Ces visions s'opposent aux valeurs exprimées par les cadres qui favorisent la flexibilité, l'esprit d'équipe et la discrétion. Une idée importante de l'étude est que cette opposition souvent retrouvée entre les valeurs des travailleurs et des cadres n'est pas une coïncidence. Les standards moraux qui prévalent chez les travailleurs leur permettent de définir la réussite autrement que par un statut socio- économique. [...]
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