Comment une vision de la nature peut-elle mener à la conception d'usages, techniques et finalement d'une culture dans une situation donnée ? C'est ce à quoi je vais répondre, en m'appuyant des textes de Verdier, « Autour du cochon », et celui de Denèfle, « Tant qu'il y aura du linge à laver... ».
Le premier texte, pièce anthropologique interrogeant un interdit inédit dans le village de Minot dans la région du Bourguignon, nous donnera la trame de l'étude, illustrant à merveille ce rapport à la nature qu'a le groupe étudié. Cet interdit, sur la base d'un fait naturel, va donner lieu à des façons de faire autour de la préparation culinaire du cochon.
Le second texte, issu de la revue en ligne Terrain, est une étude dite « enquête ethnologique », mais que je qualifierai plus de sociologique. L'auteur interroge les statistiques nationales françaises afin de constater les différentes manières de laver son linge depuis l'arrivée de la machine à laver.
Sans prendre en compte toute la richesse des deux textes, je vais essayer de donner un aspect anthropologique à ce dernier texte, montrer en quoi le naturel a un lien omniprésent dans les manières de laver son linge.
[...] y a des associations de types de vêtements qui renvoient à des images qui nous répugnent, comme, pour certains, mélanger les mouchoirs avec le reste du linge, pour d'autres mélanger les chaussettes avec le linge de table, etc. Et nous descendrions presque au niveau du psychologique, s'il n'y avait, sur ce point, des régularités Il faut choisir la lessive, sécher le linge (dehors, dedans, afin de ne pas faire de plis, avec un sèche-linge.), le repasser et le ranger. On pourrait dire que le langage est aussi une technique, et donc aussi permettant la distinction des rôles homme et femme. [...]
[...] Plusieurs points n'ont pas été abordés, comme les aspects économique ou rituel, ou l'emploi du temps, les dynamiques d'adaptation, et peut-être aurions-nous pu mettre en valeur plus la transmission de valeurs et pratiques par la parole, et ainsi constituant la dichotomie homme/femme, mais l'aspect offert par les outils de l'anthropologie de la nature nous a donné une considération du corps inédite, et prouvant bien la conception de culture par Malinowski. Autour du cochon, Y. Verdier, Façons de faire, Paris, Gallimard pp25-33. Tant qu'il y aura du linge à laver, Sylvette Denèfle, terrain Du congélateur au déménagement (avril 1989), mis en ligne le 18 juillet 2007. URL : http://terrain.revues.org/index3329.html0. [...]
[...] Il y a donc cette notion de dégoût, comme dans le texte de Verdier, qui montre la même conception du naturel interrogé. On dit même laver son linge en famille et que certains rebutent à laver leur linge dans des laveries publiques, puisque pas intime. Les choses se passent comme si notre corps par toutes les humeurs qu'il produit rendait les vêtements malsains et non présentables D'une certaine manière, on peut voir ici que le sale et le propre sont sales et propres qu'à des échelles très restreintes, qu'en au fait de ne pas laver ses vêtements avec celui des autres, tout juste avec celui de sa famille proche, comme si ces termes ne prenaient leur sens que dans une sphère très serrée de relations, et mettant le reste de cette sphère dans le sale que l'on trouve à l'extérieur L'auteur remarque que le niveau de saleté se calcule en fonction de certains critères de l'ordre du sensitif : l'odeur marque la saleté, puis viennent les tâches apparentes. [...]
[...] Finalement, de deux manières différentes, on voit la création de la notion de propre et de sale ressortir. Le sale naît d'idéaux symboliques et inconscients, par dégoût de certaines choses, comme le sang pour l'un, les odeurs corporelles pour l'autre. Ces refus se transforment à Minot en tabou, et ainsi on norme la nature, donnant des limites et domptant les effets indésirables de celle-ci. Le tout illustre une culture particulière, en commençant par la distinction de l'homme et la femme dans celle-ci. [...]
[...] On pourrait aussi soulever le fait que certains éléments naturels ne concernent aussi que la femme, comme les menstrues, et de ce fait, d'une façon physio-psychologique, obligeant la femme à effacer ces contingences Finalement, les deux textes forment la dichotomie homme/femme à eux deux, montrant qu'il s'agit de rôles attribués à l'un ou à l'autre, par techniques, représentations et valeurs symboliques, physiologique d'une part, puis sociologiques, liées à l'évolution de la culture, avec comme l'a dit Denèfle le gonflement d'une certaine image de la femme. III création d'une culture inédite On remarque donc cette présence de techniques, élément qui caractérise le culturel du naturel. Comme l'a dit Malinowski, une culture est l'élaboration d'institutions afin de répondre à des besoins naturels. On n'a pas de mal à répondre à cette définition, quand on voit ce qu'engendrent les deux pratiques étudiées. [...]
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