Les hommes ne semblent pas avoir reçu une éducation, une transmission des mœurs semblables. Un exemple trivial permet d'illustrer ce point, alors qu'en Asie on utilise des baguettes pour manger, en Occident, c'est l'usage de la fourchette qui domine. Mais comment et pourquoi ces usages se sont-ils imposés ? C'est à cette question que le sociologue allemand Norbert Elias répond dans son ouvrage intitulé "Sur le Processus de Civilisation", publié en 1939. Cette œuvre paraitra dans sa traduction française en deux volets, "La civilisation des mœurs" en 1973 et "La dynamique de l'Occident" en 1977.
Dans le premier volume de cette œuvre, Norbert Elias expose sa thèse suivant laquelle la civilisation est un processus au cours duquel les sociétés ont peu à peu appris à maîtriser leurs pulsions. Il base son argumentation sur une étude de la transformation des mœurs depuis la fin du Moyen Âge à l'époque contemporaine. Par le biais d'exemples amusants, surprenants, mais très parlants, Elias nous plonge au cœur de l'évolution des mœurs des sociétés occidentales d'une manière très dynamique. Comme il se plaît à le faire remarquer à de nombreuses reprises, les sociétés anciennes ressemblent par bien des égards à la nôtre, au risque parfois de vexer notre égo d'hommes au sommet de l'évolution.
L'objet de ce développement est de mettre en lumière les idées essentielles développées par l'auteur, mais surtout de comprendre comment il parvient à illustrer sa thèse. Comment sommes-nous parvenus à la forme contemporaine de civilisation ?
[...] Ce que Norbert Elias veut faire comprendre au lecteur, c'est que ce jugement de valeur est hors de propos. Il n'est pas même question pour lui de dire si nos comportements anciens étaient meilleurs que ceux que nous avons actuellement, mais de montrer que les coutumes correspondent toujours à la réalité d'une époque donnée. La civilisation est un processus d'apprentissage. Cependant, on ne peut s'empêcher de se poser des questions relatives au devenir de notre propre civilisation. On sait que par le passé de grandes civilisations se sont éteintes, comme celles de l'Empire romain ou des Mayas. [...]
[...] L'Allemagne est fière de sa kultur la France met en avant la civilisation de son peuple. La différence tient au fait qu'en France dès le XVIII on ne remarque plus de différence notable entre les mœurs de la bourgeoisie et de la noblesse en raison de la grande perméabilité entre les deux milieux. Pour Elias, au fur et à mesure, la société française tend à «s'aristocratiser Les bourgeois français ne s'opposent pas fondamentalement au modèle de la Cour, ils lui envient même ses manières qu'ils cherchent à imiter, ainsi que le dépeignait Molière dans le Bourgeois Gentilhomme. [...]
[...] On trouve déjà en ce temps des poèmes, des manuels de bonne conduite, dont l'un des thèmes centraux est la manière de se tenir à table. Ces règles sont dans les grandes lignes, similaires au travers de l'Europe. Par exemple, beaucoup de textes rappellent qu'il ne faut pas se moucher dans la nappe de la table, rappelons que le mouchoir n'existait pas à l'époque ; il ne faut pas non plus manger avec les deux mains ni faire du bruit en mastiquant. [...]
[...] L'éducation, la culture et la civilisation sont des notions très proches. L'homme est en constant apprentissage, comme l'indique Kant dans ses Réflexions sur l'Education, l'homme ne peut devenir homme que par l'éducation De la même manière, la civilisation des mœurs est un processus éducatif. L'homme apprend à canaliser ses pulsions, à cette fin, des dispositifs sont créés. L'exemple des modifications de l'agressivité permet une illustration claire de ce point. Alors qu'au Moyen-âge, la violence était considérée comme un phénomène tout à fait normal, aujourd'hui on la qualifie de pathologique. [...]
[...] Est-ce que la nôtre est amenée à subir le même destin ? Le problème est que l'idée de civilisation est très souvent rapprochée de celle de supériorité sur les autres. Cependant nous avons certainement beaucoup à apprendre les uns des autres face aux difficultés indéniables que nous rencontrons. Car pour reprendre une citation d'Aimé Césaire : une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente (1950). Norbert Elias, La Civilisation des Mœurs, Paris, Calmann-Levy Ibid Ibid 107. Ibid. Elias Elias Ibid Elias, 369. [...]
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