Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve, dans "Les règles de la méthode sociologique" d'Emile Durkheim

Résumé du document

Dans ce chapitre, Durkheim tente d'établir les différentes règles relatives à l'administration de la preuve. La sociologie consiste, selon Durkheim, à « rattacher un phénomène à sa cause, ou, au contraire, une cause à ses effets » (p.124) Et la seule méthode adéquate pour réaliser cela est la méthode comparative, puisque les faits sociaux ne sont pas contrôlés par le sociologue qui les étudie.
Le seul moyen qui existe pour prouver le phénomène de causalité, c'est de comparer les cas où la cause et l'effet sont tous les deux présents ou bien tous les deux absents. Puis, il faut voir si les variations nées de cette comparaison montrent que l'un dépend de l'autre. On parle de méthode comparative – ou d'expérimentation indirecte – lorsqu'il nous est impossible de reproduire les faits étudiés, et qu'il nous faut nous contenter de les analyser dans ce qu'ils ont de spontané.
Mais cette méthode, dont l'auteur fait l'éloge et démontre plus loin à quel point elle convient à la sociologie, n'a pas été approuvée par tous...

Extraits

[...] Mais avec le procédé des variations concomitantes, cela n'est pas obligatoire : dès que l'on a prouvé que, dans un certain nombre de cas, deux phénomènes varient l'un comme l'autre, on peut être certain qu'on se trouve en présence d'une loi (p.132). La sociologie n'a donc qu'une seule méthode d'expérimentation à sa disposition pour l'étude des faits sociaux, mais cela n'en fait pas une science inférieure aux autres. Au contraire, la richesse et la complexité des objets d'études et des variations sont telles qu'elle vaut si ce n'est qu'elle dépasse les autres sciences. [...]

[...] Dans ce cas, le fait en question serait l'effet du premier fait et la cause du second. Dans tous les cas, il est indispensable d'analyser et d'interpréter le phénomène avec rigueur et méthode. La démarche de cette méthode des variations concomitantes est composée en deux étapes. Dans un premier temps, il faut chercher à déduire la manière dont l'un des deux faits a produit l'autre. C'est-à-dire qu'en usant de notre esprit de déduction, il faut tenter de déterminer quel fait est la cause et quel autre est la conséquence. [...]

[...] En fait, il pensait, contrairement à Durkheim, que la sociologie et ses règles ne consistaient pas dans le seul fait de découvrir les causes et les effets des phénomènes sociaux, mais qu'elles devaient avoir pour but la direction prise par l'évolution humaine. Comparer un fait social dans différents contextes, dans différents peuples, ne saurait alors suffire à établir les règles et les méthodes sociologiques, puisque cela implique une fragmentation du développement humain. Mill est plus catégorique encore. Pour lui, l'expérimentation est une méthode totalement incompatible avec le travail sociologique. Plus encore, il estime que les phénomènes biologiques ainsi que les faits physico- chimiques ne peuvent, eux non plus, être étudiés grâce à la méthode comparative. [...]

[...] C'est un domaine où de nombreuses lois attendent encore d'être élaborées. La méthode de concordance ou de différence, qui consiste à comparer des phénomènes sociaux jusqu'à trouer une unique concordance ou une unique différence, n'est pas non plus la plus appropriée. En effet, comment le sociologue peut-il être certain, sans qu'aucun doute ne subsiste, qu'il n'a pas oublié de traiter un antécédent. Un tel oubli remettrait en cause l'unicité de causalité. On n'est jamais sûr de n'avoir pas laissé échapper quelque antécédent qui concorde ou qui diffère comme le conséquent, en même temps et de la même manière que l'unique antécédent connu (p.128). [...]

[...] Cette règle exclut totalement la théorie de Mill. Pour appuyer son raisonnement, Durkheim prend l'exemple du crime et du suicide. Certains sociologues, usant de la méthode de Mill, ont affirmé que ces deux faits pouvaient chacun avoir plusieurs causes. Cependant, si plusieurs causes sont trouvées pour un seul et même fait, c'est qu'il existe plusieurs types de fait. Ainsi, si l'on trouve plusieurs causes au crime, c'est qu'il existe plusieurs types de crimes et il faut penser de même en ce qui concerne le suicide. [...]