La sociologie de Bourdieu, à l'instar des autres sociologies, se donne pour but de comprendre le social comme un ensemble de relations. Mais c'est une sociologie en rupture avec l'individualisme méthodologique qui reconstruit le social à partir des individus et avec l'ethnométhodologie (qui prend le risque de négliger les effets des structures sociales sur le monde vécu des agents) (...)
[...] Et ce qui parle alors, c'est la souffrance. La sociologie de la misère se déploie en surmontant les obstacles qu'elle rencontre dans les discours. Aussi l'ouvrage s'emploie-t-il à défaire les représentations des malaises et à les reconstruire comme misères spécifiques : contre la vision médiatique et contre la vision politique. La première, préposée à la fabrication des événements et à la stigmatisation de leurs acteurs prépare la seconde, prise en otage par les rapports d'experts et les enquêtes d'opinion qu'elle sollicite. [...]
[...] Et l'explication des misères les ordonne, selon leurs causes. Cette explication prête une attention particulière aux effets de position, aux misères de position, qui résultent moins d'une condition misérable prise en elle-même, que du rapport des agents sociaux entre eux (système de classe). Pourtant la distinction entre une misère de condition (la grande misère) et une misère de position (la petite misère) n'invite pas à relativiser la première au bénéfice de la seconde : tous souffrants. Elle met au contraire en évidence comment la seconde s'enracine dans la première. [...]
[...] Dans le meilleur des cas, elles concèdent à la sociologie le pouvoir d'analyser des conditionnements en extériorité, laissant à la psychologie, et de préférence à la psychanalyse, l'exploration de la personnalité, la philosophie se réservant le domaine de la singularité. Ce sont ces partages que Bourdieu met à rude épreuve. Ce n'est alors un paradoxe qu'en apparence de soutenir que la sociologie de Bourdieu, en raison même de sa polémique obstinée, contre les sociologies de l'individu et les philosophies du sujet, est une sociologie de la singularité. [...]
[...] Bourdieu revendique une unité toujours à refaire entre théorie et enquête empirique. La sociologie théorique ne vaut, aux yeux de Bourdieu que par sa confrontation avec des objets empiriques. Dans cet esprit, Bourdieu se défie des généralités méthodologiques : il invite la sociologie à réfléchir sur ellemême dans le cours de son exercice et adapter les méthodes aux terrains et à l'objet. Ainsi, en prenant pour objet la misère du monde, Bourdieu et ses collaborateurs devaient nécessairement mettre à l'épreuve théorie et méthode, infléchir le cours de la recherche et en modifier le contenu. [...]
[...] Une parole ne parle qu'à condition de créer une situation qui la fasse entendre et de proposer une interprétation qui la fasse comprendre. C'est ainsi que Bourdieu privilégie une sociologie qui tente de faire vivre une parole qui n'y soit pas directement soumise, du moins dans la situation d'enquête, et qui informe sur l'espace des positions sociales. Pour établir la communication, il convient tout d'abord de réduire la distance. De là l'importance accordée à la familiarité entre l'enquêteur et l'enquêté. On peut espérer alors que chaque discours livre les éléments nécessaires à sa propre explication. [...]
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