Ce texte d'un des sociologues contemporains les plus reconnus a été traduit tardivement en France. Publié à l'origine dans la revue Theory and Society (1977) sous le titre The Arrangement between the sexes, cet article n'avait pourtant pas été publié auparavant en français. Cela révèle sans doute le retard de l'intérêt pour les questions de genre en France par rapport à d'autres pays occidentaux mais également de la faible résonance qu'a rencontré chez les féministes un article écrit par un homme.
Il est donc légitime de s'interroger sur l'utilité actuelle d'un tel texte datant d'il y a près de trente ans. D'après Claude Zaidman dans l'introduction à l'article, les apports sont essentiellement d'ordre méthodologique concernant l'analyse de l'agencement entre les sexes et conservent une forte modernité alors que le concept de genre tend à s'imposer. Nous rappelons qu'il s'agit d'un moyen de dénaturaliser le sexe et les comportements féminins ou masculins en en faisant un produit de conditionnements sociaux. Le lecteur est ainsi invité à entrer dans l'analyse faite par Erving Goffman de la construction sociale des sexes selon une perspective qui lui est chère : celle de l'observation des interactions entre des hommes et des femmes.
[...] Des inégalités de traitement complexes Erving Goffman montre alors que cette classification donne lieu à une division sociale des rôles et statuts qui est inégalitaire. Il est particulièrement intéressant de noter que cette inégalité si elle est surtout défavorable aux femmes n'est pas à sens unique pour le sociologue. Ainsi, les femmes sont défavorisées en termes d'emploi mais seraient avantagés sur certains points comme l'exemption de service militaire. Le sociologue se focalise alors sur un type de relation particulier. Quoique groupe défavorisé, les femmes bénéficient en certaines circonstances des marques d'un profond respect comme l'illustre le dispositif de la cour et la galanterie. [...]
[...] Selon lui, il ne serait pas difficile de faire en sorte que le sexe n'ait pas de conséquence sociale. Il convient donc de renverser la démarche fonctionnaliste, à l'époque classique en sociologie, consistant à expliquer les différences sociales relevant du biologique mais bien plutôt de s'intéresser à la manière dont le sexe a servi de justification à un certain ordre social. Il s'agit donc de mener à bien ce que Goffman nomme une réflexivité institutionnelle Une des différences biologiques entre homme et femme permet justement de classer les individus dans ces deux classes sexuelles et cela dès la naissance par l'observation de leurs parties génitales. [...]
[...] Le problème est qu'à cet arrangement nécessaire de manière temporaire se substitue une division du travail qui perdure et se reproduit. Par ailleurs, la famille est traditionnellement considérée comme le lieu privilégié de la socialisation primaire. Il n'est donc pas surprenant que l'auteur étudie cette instance pour montrer les différences faites entre filles et garçons du fait de leur différence biologique. En fait, deux principes peuvent être distingués. Si d'un côté les parents peuvent faire preuve d'égalité dans la répartition des rôles et des tâches (chacun son tour), ils peuvent également se baser sur le principe des comptes en fonction du sexe En vertu de ce dernier, la classe sexuelle prévaut à la décision concernant la répartition (Goffman donne l'exemple du lit douillet à la fille). [...]
[...] Qu'est-ce qui différencie alors notre société moderne des anciennes sociétés patriarcales ? Il s'agirait pour Goffman de cette remise en question de la naturalité de l'infériorité des femmes qui remet en cause - au moins en partie - l'arrangement des sexes. III. L'organisation sociale renforce l'arrangement des sexes Dans une troisième partie, Erving Goffman s'interroge sur la manière dont l'environnement influe sur l'importance prise par les différences biologiques. L'organisation sociale confirme les stéréotypes de genre en ce qu'une division sociale des tâches va répondre à une différence biologique. [...]
[...] La galanterie est également l'expression d'un respect envers les femmes. Goffman reconnaît d'emblée que celle-ci provient avant tout de la représentation des femmes comme des êtres fragiles et instables. Le devoir de galanterie - en fait de protection - des hommes concerne toutes les femmes, même celles qui lui sont inconnues ce qui constitue un prétexte de rapprochement. Ces types de relation sociale sont importants dans la mesure où ils permettent de pacifier les relations sociales qui seraient sinon profondément hostiles. [...]
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