Descartes, corps machine, être sexué, intentionnalité, Freud, Merleau-Ponty, être au monde, Sartre, aphonie
La philosophie de Maurice Merleau-Ponty est par excellence une philosophie de l'ambiguïté. Le corps et l'âme, l'extérieur et l'intérieur, l'objectif et le subjectif, autant de doublets chers à la pensée à la philosophie de l'existence. Pourtant Merleau-Ponty a justement critiqué sans relâche ce dualisme, dont la première forme moderne fut imposée par Descartes. La méthode cartésienne divisait l'homme en deux substances : le corps d'une part, fragment d'étendue, dont le fonctionnement est analogue à celui d'une machine, la pensée d'autre part, — le Je pense ou Cogito — plus aisée à connaître que le monde des corps, qui n'en dépend pas, qui est transparente à soi-même et dont l'exercice se confond avec l'activité de la connaissance. Mais cette théorie dualiste, satisfaisante pour l'esprit, rencontrait une résistance invincible dans la vie elle-même, notre vie vécue, qui ne cesse de nous rappeler que nous sommes de part en part incarnés, intimement unis à un corps qui est nôtre, mieux : qui est nous-même. Aussi bien Descartes reconnaissait-il lui-même la difficulté, en affirmant à maintes reprises la non-coïncidence entre cette théorie et la vie vécue. Il y a, disait-il, une dualité de la conscience et du corps, très claire pour l'intelligence, et une étroite unité de la conscience et du corps, très claire pour la vie.
Héritière des schémas cartésiens, la pensée du XIXe siècle et du début du XXe siècle reprenait à sa manière le dualisme ; à cette différence près que l'unité cartésienne du savoir s'y trouvait brisée depuis longtemps. On pourrait dire que les philosophes, optant pour ainsi dire en faveur du Cogito cartésien, définissaient l'homme par le pouvoir qu'il a de se représenter des objets, c'est-à-dire exclusivement par la connaissance, abandonnant aux physiologistes, ou à des psychologues qui se considéraient eux-mêmes comme des physiologistes d'une certaine espèce, ce qui en l'homme est étroitement lié au corps. D'un côté, quant à la connaissance ou à la moralité, l'homme se définissait par la pensée, d'un autre côté, quant aux « fonctions corporelles », l'homme s'expliquait à la manière d'une machine.
[...] La sexualité, dit-on, est dramatique parce que nous y engageons toute notre vie personnelle. Mais justement pourquoi le faisons-nous ? Pourquoi notre corps estil pour nous le miroir de notre être, sinon parce qu'il est un moi naturel, un courant d'existence donnée, de sorte que nous ne savons jamais si les forces qui nous portent sont les siennes ou les nôtres ou plutôt Sens et non-sens, p Sens et non-sens, p Phénoménologie de la perception, p qu'elles ne sont jamais ni siennes ni nôtres entièrement. [...]
[...] Dans La structure du comportement, Merleau-Ponty s'était demandé, sans mettre en question le rôle assigné par Freud à l'infrastructure érotique et aux régulations sociales, ( . ) si les conflits mêmes dont il parle, les mécanismes psychologiques qu'il a décrits, la formation des complexes, le refoulement, la régression, la résistance, le transfert, la compensation, la sublimation, exigent vraiment le système de notions causales par lequel il les interprète, et qui transforme 6 en une théorie métaphysique de l'existence humaine les découvertes de la psychanalyse . [...]
[...] D'un côté, quant à la connaissance ou à la moralité, l'homme se définissait par la pensée, d'un autre côté, quant aux fonctions corporelles l'homme s'expliquait à la manière d'une machine. Mais divers travaux, tant en philosophie d'une part, qu'en physiologie et en psychologie d'autre part, sont venus au cours du XXe siècle mettre en cause cette manière de voir. En philosophie, la phénoménologie de Husserl notamment, pour ne citer qu'une œuvre dont s'est toujours réclamé MerleauPonty et qu'il n'a cessé de méditer jusqu'à sa mort, montrait qu'en revenant à elle-même la conscience ne se découvre pas comme une lumière absolue et le monde comme ce qu'elle se représente en pleine clarté ou un objet organisé et constitué par elle, mais qu'au contraire la conscience se découvre radicalement vouée au monde et affectée d'une sorte d'opacité intérieure qui la fait être pour autrui en même temps que pour elle-même, et la fait être corps en même temps que pensée, extérieure à elle-même en même temps que présente à soi, tandis que le monde n'est pas un objet dont je possède par devers moi la loi de constitution mais le milieu naturel et le champ de toutes mes pensées et comme une dimension par rapport à 1 laquelle je ne cesse de me situer . [...]
[...] Rassemblant ces deux interprétations apparemment rivales, Merleau-Ponty commente le cas de Léonard en ces termes : . on ne s'avancera pas beaucoup en disant que Léonard n'aima qu'une seule femme, sa mère, et que cet amour ne laissa place qu'à des tendresses platoniques pour les jeunes garçons qui l'entouraient. Dans les quatre années décisives de sa première enfance, il avait noué un attachement fondamental auquel il lui fallut renoncer quand il fut rappelé au foyer de son père et où il mit toutes ses ressources d'amour et tout son pouvoir d'abandon. [...]
[...] ) Mais justement parce qu'il peut se fermer au monde, mon corps est aussi ce qui m'ouvre au monde et m'y met en situation. Le mouvement de l'existence vers autrui, vers l'avenir, vers le monde peut reprendre comme un fleuve dégèle. La malade retrouvera sa voix, non par un effort intellectuel ou par un décret abstrait de sa volonté, mais par une conversion dans laquelle tout son corps se rassemble, par un véritable geste, comme nous cherchons et retrouvons un nom oublié non pas dans notre esprit mais dans notre tête ou sur nos lèvres Le souvenir ou la voix sont retrouvés lorsque le corps de nouveau s'ouvre à autrui ou au passé, lorsqu'il se laisse traverser par la 11 coexistence, et que de nouveau (au sens actif) il signifie au-delà de lui-même. [...]
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