L'équivalence épistémologique de la nourriture et du sexe chez les Crees est traduite par l'utilisation du même mot pour « il tire » et « il éjacule » (mitwaaschaau), pour l'arme et le pénis (paaschikan), pour la poudre et le sperme (pukw) ainsi que pour l'étui et le préservatif (spichinaakin) (Scott 1996). Plus généralement, l'acte de manger et l'acte de se reproduire sont souvent associés, et ce, dans de nombreuses cultures, ce qui fait de cette association un invariant culturel dans le sens de Lévi-Strauss (1962). Pourquoi une telle universalité ? Comment peut-on expliquer les variations dans le degrée de cette équivalence ? Comment cela est-il lié à la perception humaine, culturelle, de l'environnement qui l'entoure ?
La nécessité biologique de manger et de se reproduire pour la survie de l'espèce rappelle à l'homme qu'il fait partie de la nature, et le processus de différentiation et de catégorisation entre lui-même et les autres catégories naturelles passe alors par l'imposition de règles de conduite et de tabous. Parallèlement, certaines de ces règles influent l'impact de l'homme sur son environnement en lui donnant un sens, et permettent, sous certaines conditions, la survie de l'espèce sur le plan biologique. Ainsi, les règles de conduites et tabous qui lient la nourriture et le sexe dans notre perception culturelle de l'environnement ont pour fonction la survie, pensée et physique, de l'espèce humaine en tant que catégorie.
[...] 3rd Edition. New York : Harper & Row. Pp. 206-220. Lévi-Strauss, Claude (1962). "The Logic of Totemic Classifications." In The Savage Mind. London : Weidenfeld and Nicolson. Pp. 35-74. MacCormack, Carol P "Nature, Culture and Gender : a Critique." In Carol MacCormack and M. Strathern, eds. [...]
[...] Partant, les règles n'ont pas toujours une valeur adaptative (Rappaport 1976), cela dépend de la perception de l'environnement, des règles qui s'ensuivent et de la présence ou non du concept de réciprocité. Pour conclure, les activités de manger et de se reproduire, en vertu de leur naturalité supposée sont entourées de nombreuses coutumes, traditions, règles et tabous dans la plupart des cultures. Celles-ci permettent à la fois l'existence de l'homme en tant que catégorie pensée, à travers la dichotomie ego : alter ego, et catégorie biologique et réelle, à travers le principe de réciprocité, s'il existe. [...]
[...] Plus qu'une relation, le sexe et la nourriture sont considérés comme égaux sur le plan cosmologique. L'appétit sexuel et l'appétit sont équivalents chez les Tukano (Reichel-Dolmatoff 1976) ; les Makuna modélisent les relations homme-animal sur les règles d'exogamie (Århem 1996) ; le four dans le rituel du rumbim chez les Tsembaga (Rappaport 1979) représente à la fois le vagin de la femme et les entrailles de la Terre nourricière ; une des punitions pour le désir de la pomme d'Eve est le désir sexuel, ainsi que la souffrance de l'accouchement qui s'ensuit. [...]
[...] Si les coutumes, traditions, règles et tabous qui entourent le sexe et la nourriture dans de nombreuses cultures permettent l'existence de l'homme en tant que catégorie pensée, celles-ci ont également pour fonction de permettre, sous certaines conditions, l'existence de l'homme en tant que catégorie biologique. La différentiation permet d'établir des principes de réciprocité : c'est en maintenant une conscience aiguisée des différences, en différenciant entre lui-même et les autres êtres d'une manière appropriée, que l'homme permet un lien relationnel bénéfique (Wagner in Scott 1996 : 74-75). [...]
[...] Comment le sexe et la nourriture sont-ils reliés dans la perception culturelle de l'environnement ? Introduction I. existence de l'homme en tant que catégorie pensée Les tabous comme l'incorporation de la nature dans la culture Égalité du sexe et de la nourriture sur le plan cosmologique Fausse dichotomie nature/culture II. existence de l'homme en tant que catégorie biologique La différentiation permet la réciprocité Le rôle de l'éco-cosmologie Perception de l'environnement Conclusion L'équivalence épistémologique de la nourriture et du sexe chez les Crees est traduite par l'utilisation du même mot pour il tire et il éjacule (mitwaaschaau), pour l'arme et le pénis (paaschikan), pour la poudre et le sperme (pukw) ainsi que pour l'étui et le préservatif (spichinaakin) (Scott 1996). [...]
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