En 1789, la déclaration des droits de l'homme abolit par l'article 10 toute censure relative à la presse ou à la littérature : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme, tous citoyen peut donc parler, écrire et imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans le cadre prévu par les lois. » Chaque révolution tout au long du 19ème siècle proclama l'abolition de la censure et chaque régime, royauté ou empire succédant à ces révolutions s'empressa de la réinstaller sous une forme ou une autre. Si on s'en tient à une définition juridique, seule l'intervention préalable du pouvoir est reconnue comme constitutive de la censure, c'est-à-dire l'examen des écrits littéraires ou des écrits de presse fait par des agents du gouvernements avant qu'ils ne paraissent. Dans une acceptation plus étendue, on peut considérer comme mécanismes de censure indirecte la censure répressive par voie judiciaire succédant à la publication et qui juge de la conformité d'une production écrite en se référant au cadre législatif. Enfin toutes les mesures règlementaires grâce auxquelles l'état encadre de façon restrictive l'exercice des professions liées à l'imprimerie, la presse et l'édition peuvent être considéré comme des mécanismes de censure. Nous devons aussi noter que cette censure visant à contrôler et réduire la liberté d'expression agit sur les auteurs, les éditeurs et imprimeurs comme une pression constante, un carcan politique et moral qui fait naître dans ces milieux une autocensure plus ou moins consciente...
[...] force est de constater que la censure appliquée au champ littéraire immoral ou érotique est apparue durant les 19e et 20e siècles comme une nécessité aux yeux des pouvoirs publics. C'est bien le caractère provocant mais surtout la force démoralisante de ce genre de littérature à laquelle la censure s'est appliquée. Déjà au 18e siècle Les souffrances du jeune Werther roman de Goethe avait été trouvé sur la table de chevet d'un grand nombre de suicidés et il n'était dès lors plus question de sous-estimer la puissance de la littérature. [...]
[...] Les comités d'inspection sont chargés d'établir les catalogues et les acquisitions. Les membres de ces commissions dans la logique des ligues appartiennent à une certaine élite sociale, juridique et administrative. Les critères sont si sélectifs que l'on trouve peu de romans dans les catalogues, on tente de fermer l'accès à l'imaginaire des masses, en favorisant la lecture pédagogique, ou les biographies des grands hommes de la nation, lectures qui sont censées élever le niveau de moralité. Cette volonté de contrôler les masses est inextricablement liée aux conceptions politiques de l'époque. [...]
[...] Mais la grande innovation de cette loi est qu'elle s'attaque désormais à la sphère privée. La distribution directe à domicile par voie de poste ou tout autre moyen constituent un délit passible de la cour correctionnelle. Cette distribution privée, selon les moralistes force le foyer et menace la jeunesse et l'équilibre familial. La loi fait d'autre part un délit spécial de la continuation de publication après la condamnation d'un ouvrage. Elle permet de saisir et de détruire les exemplaires rendus publics. [...]
[...] Cette censure mettra à mal également sous la troisième république le texte de la pièce d'Edmond de Goncourt, Germinie Lacerteux. En juillet 1881 un dispositif législatif édicte que la presse et l'imprimerie sont libres et abroge ainsi toute résurgence possible d'une censure préalable. Ces lois en accordant une liberté totale au milieu de la presse et de l'imprimerie sanctionnent par ailleurs la distribution, la vente, l'exposition des écrits, imprimés, placards, affiches, dessins et gravures contraires aux bonnes mœurs. Toute référence à la morale religieuse a disparu, c'est une censure laïque, qui s'exerce au nom du maintien de l'ordre républicain et qui reprend les termes de la loi d'avril 1875 sur l'outrage aux bonnes mœurs. [...]
[...] Le mouvement moralisateur prend son essor en Suisse à Genève à l'instar de groupuscules protestants qui s'insurgent contre la démoralisation de l'opinion publique, par le biais de l'écrit. Une société de vigilance contre la littérature licencieuse est créée en 1876 sous l'impulsion d'Alexandre Lombard. Le comité de cette société organise des séances publiques, adresse des appels aux familles pour attirer leur attention sur les dangers des mauvaises lectures. La société devient association en mai 1886, et compte 527 membres. L'association est dirigée par un comité d'action de 25 membres et définit son programme d'action par une double stratégie de censure et d'encadrement des consciences. [...]
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