Sauna , gay , homosexuel , hammam
Encore peu de recherches sur ce terrain. Si les lieux hétérosexuels de rencontres intéressent les chercheurs en sciences sociales depuis longtemps (une des premières études sur le sujet a été celle de Cressey en 1932), les lieux de drague homosexuels n'ont été investis qu'assez récemment (depuis la fin des années 1980 en France), notamment par le biais de la prévention contre le sida. C'est ce que soulignent Christophe Broqua et Rommel Mendes-Leite : « Parmi les différentes recherches menées depuis plus de dix ans sur la gestion des risques liés au VIH chez les homosexuels masculins, certaines se sont progressivement intéressées aux questions de la sexualité dite "anonyme" ou "impersonnelle" et à la fréquentation des lieux de rencontre commerciaux ou non – backrooms, sex-clubs, saunas, cinémas pornos, lieux de drague extérieurs, etc. » (1998). Toutefois, ajoutent-ils, ces travaux rencontrent fréquemment des « résistances institutionnelles ou sociales ».
Un sujet tabou. En effet, bien que notre société soit de plus en plus libre en matière de mœurs sexuelles (et, en particulier, d'homosexualité), le sexe reste encore en partie tabou. Par exemple, lorsque le journal de Malinowski avait été publié en France (1985), certains passages avaient été censurés par l'éditeur pour cette raison. René Lourau rapportait en effet que, semblait-il, « la majorité, sinon la quasi-totalité des séquences censurées renvoient soit à des fantasmes érotiques de toute sorte, soit à des notes sur les masturbations » (1988, p. 44). Bref, les détails de sa vie sexuelle avaient été gommés. En revanche, son « homosexualité résiduelle » – qu'il évoquait de manière plus feutrée – n'avait subi aucune censure (idem, p. 47).
Ne rien censurer ? Pour évoquer l'univers du sauna gay, j'ai voulu prendre le parti de ne pas avoir recours à la censure afin de ne pas dénaturer la réalité observée. Mais il n'était pas possible de rayer d'un seul trait l'héritage de 2000 ans de christianisme. Dans un certain nombre de cas, lorsque j'avais le choix entre deux témoignages équivalents pour illustrer certaines pratiques, j'ai donc décidé d'opter pour celui dans lequel les propos étaient les moins crus. Et, lorsque certaines paroles étaient vraiment trop "pornographiques" (pas assez imagées), je me suis tout simplement abstenu de les rapporter. Cela dit, je n'ai fait que supprimer certains termes et les propos restent dans l'ensemble assez "triviaux".
[...] Tout le monde sait ce que c'est, du moins chez les gays. [ . ] Pourquoi c'est un lieu intéressant ? Parce qu'il y a beaucoup d'enjeux dans ce lieu-là. On cherche de la chaleur, voire de la tendresse. Moi qui la fréquente depuis belle lurette, il y a du sexe effréné, il y a aussi beaucoup de misère sexuelle. Moi, en ce moment, j'ai un petit copain, donc j'y vais moins souvent. Mais on y apporte souvent sa misère sexuelle. [...]
[...] ] Par exemple, ça m'est déjà arrivé, avec un homme plus grand et plus musclé que moi, et un peu plus âgé que moi (35 ou 38) mais passif. Il a les atouts (musclé, sexy, beau cul, look viril), mais le problème : il est passif. Il m'a approché. Il m'a dit : "Je te trouve très très mignon et bien fait, mais le problème c'est que je suis pas actif." (Donc, c'est comme s'il avait l'impression que tous les Asiatiques sont passifs Et donc, ça s'est arrêté là». C'est en effet un des scénarios qui se produit parfois. [...]
[...] Si on ne se fait pas repousser, les aventures peuvent alors se poursuivre en cabine. La backroom. C'est sans doute au sujet de la backroom que les avis sont les plus partagés. Il s'agit de l'endroit le plus obscur du sauna. C'est aussi celui où les rapprochements sont les plus faciles. Le fait que l'endroit soit sombre favorise les contacts les plus directs. Yves m'a raconté de manière assez détaillée ce qu'il trouvait dans la backroom : Il y a un lieu dont j'aimerais te parler, c'est la backroom. [...]
[...] Le toucher, dans la backroom, devient un sens essentiel. Et, pour moi, c'est important [ . Je ressens fortement la façon dont on me touche. J'arrive à comprendre beaucoup de choses de la personne suivant la façon dont elle me touche. C'est un moyen de communication qui n'est pas brouillé par les mots auxquels on peut faire dire un peu ce qu'on veut. Evidemment, il y a autant de sortes de toucher que de personnes différentes. Il y a du toucher brutal, ce qui n'est pas forcément désagréable : des fois, il y a des mecs qui te prennent par la main pour la poser sur leur bite. [...]
[...] Ce qui se joue dans la backroom, c'est du sexe, de la chaleur humaine, de la tendresse . Pour moi, c'était peut-être aussi l'endroit où je pouvais trouver l'homme de ma vie. [ . ] La backroom, c'est bien parce qu'on est à plusieurs. C'est un lieu de joie sexuelle. Pour moi, le sexe, c'est de la joie. C'est complémentaire avec la relation à deux. Pour moi, le corps exulte à certains moments. [ . ] Même maintenant que j'ai un copain, je donne le meilleur de moi-même. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture