Au XVIIIe siècle, le libertinage est favorisé par la Régence : avec la mort de Louis XIV, on passe d'une période austère, dominée par la rigueur morale dont les jésuites et Madame de Maintenon sont les emblèmes, à une période de liberté de mœurs et de parole pour l'aristocratie oisive. Les personnages des deux dialogues de Crébillon fils, La Nuit et le moment et Le Hasard du coin du feu, en sont de bons représentants.
Ces personnages nous présentent dans ces deux textes le cheminement de la séduction dans le cadre libertin. A travers ces dialogues le lecteur prend conscience de cette nouvelle liberté à laquelle ils s'adonnent.
Mais peut-on encore parler de liberté, lorsque l'on s'aperçoit qu'ils évoluent dans un espace codifié, qui les rend peut-être même prisonniers de ces nouvelles règles et obligations ?
Si le libertinage est avant tout la possibilité d'une liberté nouvelle pour les aristocrates oisifs que sont les personnages crébilloniens des dialogues, il est aussi, par son caractère systématique, un code social qui les enferme et qui, établissant dans les faits la domination des hommes sur les femmes, ravive la guerre des sexes
[...] Conclusion En définitive, les libertés revendiquées par ces personnages, et théorisées par Clitandre, sont incontestables : ils font preuve d'une liberté de mœurs et de paroles qui rompt avec la rigueur morale du siècle précédent ; mais cette liberté est limitée par le fait que le libertinage est en fait un véritable système social, qui les emprisonne dans un code et dans un cheminement répétitif. Mais la limite des libertés permises par le libertinage réside plus fondamentalement dans le fait que, malgré la parité entre hommes et femmes postulée par les protagonistes des dialogues, la suprématie des hommes reste écrasante : ceux-ci dominent les femmes jusqu'à leur humiliation. Bibliographie Corpus Crébillon fils, La Nuit et le moment suivi de Le Hasard du coin du feu, G.F. Flammarion, Manchecourt Ouvrages critiques B. [...]
[...] Ou vous ne m'aimez pas aujourd'hui, ou (ce que j'ai de fortes raisons pour ne pas croire) vous m'aimez depuis bien longtemps. Clitandre Oui, Madame, je vous aime depuis l'instant que mon bonheur vous a offerte à mes yeux Il ne reste aux femmes que l'espoir de parvenir à se donner du prix, de la valeur, à travers la fiction de l'honnêteté et de l'amour, l'amour n'entrant pour rien dans les conquêtes des libertins. Le cheminement de la séduction est donc toujours le même, les stratégies d'attaque du libertin et de défense des femmes ne varient que peu Un code social Cela s'explique par le fait qu'il s'agit d'un véritable code social : la relation amoureuse, ne reposant donc plus sur les sentiments, est devenue labyrinthique ; mais son cheminement est finalement protocolaire, c'est une formalité qui doit être remplie. [...]
[...] [ ] Eh bien ! vous n'en, voulez donc rien tenir, de l'amour ? Le Duc. Mais se peut-il que vous me soupçonniez de sentir si peu l'effet de vos charmes ? Célie. Ce n'est là qu'une galanterie, et que j'ose même dire que tout autre m'accorderait comme vous, et à meilleur marché, assurément. [...]
[...] - Songez donc à ce que vous me dites. Nous sommes seuls. Tous vos gens sont loin de vous, hors Justine, qui ne vous serait pas d'un grand secours, puisqu'il n'y a au monde, personne de si difficile à réveiller. Vous êtes dans un état qui vous livrerai, presque sans défense à mes emportements, si j'oubliais assez ce que je vous dois pour oser tenter rien qui vous deplût [ ] Souvent, outre le fait que sa cruauté soit révoquée par l'utilisation de litotes pour le désigner, le coup d'autorité est justifié par des sophismes en rejetant la responsabilité sur les femmes : Le Duc. [...]
[...] j'ai le plus grand tort du monde ! Je me donne même le dernier des ridicules, d'exiger d'un homme, qui exige tout de moi, qu'il me dise qu'il m'aime ! Le Duc. Oui, vous vous en donnez un ; puisque à cet égard le doute ne vous est pas permis. Célie. Que de mots pour un, et qui ne le valent pas ! [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture