Ce qui pose problème n'est pas le désir homosexuel, c'est la peur de l'homosexualité ; il faut expliquer pourquoi le mot seul déclenche les fuites et les haines » écrivait Guy Hocquenghem dans Le désir homosexuel en 1972.
Stigmatisés pour contrevenir aux frontières sexuelles (hétéro/homo) et de genre (masculin/féminin) garantes de la reproduction de l'ordre social, les homosexuels des deux sexes ont en effet toujours fait l'objet d'hostilités. Au nom de cet hétérosexisme, ils ont ainsi, au travers de l'Histoire, subi les pires persécutions : condamnés à la purification par le feu inquisitorial jusqu'en 1783 , exterminés dans les camps de concentration par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale ou soumis aux pseudos thérapies médicales par électrochocs en Occident jusque dans les années 1960.
Les lesbiennes, persécutées comme les hommes homosexuels, étaient cependant condamnées pour d'autres motifs : brûlées pour hérésie ou sorcellerie ou déportées sous le carré noir des asociaux (et non sous le triangle rose), elles ont toujours eu un traitement différent de leurs homologues masculins.
Interrogeons-nous sur les raisons de ce traitement différencié. La répression des lesbiennes, en tant que tel, a toujours fait l'objet d'un silence ou plutôt devrions-nous dire d'une grande hypocrisie. Les propos tenus par la reine Victoria lors de la réactualisation au XIXème siècle des peines contre les relations sexuelles entre hommes sont tout à fait éloquents, puisque interrogée sur la question de l'impunité des relations entre femmes, la reine répondit : « Comment punir quelque chose qui n'existe pas ? ». De même, le sexologue Richard von Krafft-Ebing considérait les relations amoureuses entre femmes non comme de l'homosexualité authentique mais plutôt comme de la pseudo-homosexualité pour en déduire que « l'homosexualité de la femme n'a pas les graves conséquences de celle de l'homme ». La raison est trouvée : la différence de considération et donc de traitement entre les lesbiennes et les homosexuels réside dans leur sexe, car, dans les rapports sociaux fondés sur le genre, les lesbiennes sont doublement discriminées par leur féminité. Stigmatisées en raison de leur orientation sexuelle (homo) d'une part et de leur genre (féminin) d'autre part, elles sont alors victimes d'une double peine : la lesbophobie.
Ce néologisme récent indique la haine envers les lesbiennes discriminées, à la fois comme femmes dans un monde régi par les hommes et comme homosexuelles dans une Société hétérosexuelle. Au-delà de sa signification épistémologie, ce mot « lesbophobie » fait également référence à une réalité sociale puisque 57% des lesbiennes déclarent en être victimes en France. Ce résultat livré par l'enquête menée par SOS Homophobie d'octobre 2003 à janvier 2004 auprès d'environ 1800 femmes est (malheureusement) confirmé par le rapport annuel 2006 de l'association qui indique une augmentation de 20% des appels concernant des cas de lesbophobie et une recrudescence des agressions physiques de 11% contre 7% en 2004.
Exclues du mouvement d'émancipation des femmes, les lesbiennes apparaissent comme les (mères) oubliées des luttes féministes auxquelles elles ont pourtant activement participé n'économisant ni leur temps ni leur énergie à lutter pour la contraception, l'avortement ou contre le viol.
Il convient alors face à ce constat et pour redonner une place à chacun et chacune dans l'universalisme républicain, de faire la lumière sur ces femmes invisibles et silencieuses dont la discrimination ne vise assurément qu'à perpétuer la marginalisation.
Analysons donc les différentes acceptions de la lesbophobie (I) pour mieux envisager ses moyens de lutte (II).
[...] Les moyens de lutte contre la lesbophobie Une lesbienne qui ne réinvente pas le monde est une lesbienne en voie de disparition. Nicole Brossard, Ecriture lesbienne : stratégie de marque (1998) Dans son Eloge de la diversité sexuelle, Michel Dorais[9] assimile l'hétérosexisme à un intégrisme identitaire considérant l'assignation de genre selon le sexe biologique, comme tout aussi dangereux que le fondamentalisme religieux ou le totalitarisme : il (l'hétérosexisme) impose un modèle de conduite unique, rigide et oppressant. Cette sommation, a pour conséquence nous venons de le voir de reléguer aux bancs de Société celles et ceux qui s'en écartent. [...]
[...] Et proposait donc de réinventer un langage et des genres littéraires[10] qui subvertissent l'héritage hétéroculturel. Le contexte de l'universalisme masculin se prêtant difficilement à l'abolition des catégories de sexes, d'autres personnalités ont rejeté cette utopie en faveur non d'une destruction mais d'une égalité entre les sexes. Ainsi, Marie-Jo Bonnet préconise un changement des mentalités aussi important que celui réalisé par la Révolution française quand elle a reconnu le principe d'égalité entre les individus. L'abandon des principes multimillénaires liés à la fonction reproductrice de la femme devrait permettre selon elle l'émancipation de la femme et a fortiori des lesbiennes. [...]
[...] Lesbophobie : la double peine des femmes homosexuelles SOMMAIRE INTRODUCTION I. Des origines de la lesbophobie aux manifestations de l'hétérosexisme A. Les causes de la lesbophobie : l'idéologie hétérosexiste B. Les manifestations de l'hétérosexisme : la discrimination à l‘encontre des femmes homosexuelles II. Les moyens de lutte contre la lesbophobie A. La prévention ou le changement des mentalités B. La répression CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE INTRODUCTION Ce qui pose problème n'est pas le désir homosexuel, c'est la peur de l'homosexualité ; il faut expliquer pourquoi le mot seul déclenche les fuites et les haines écrivait Guy Hocquenghem dans Le désir homosexuel en 1972. [...]
[...] Dorais, Eloge de la diversité sexuelle, Montréal, VLB Editeur Wittig, Le corps lesbien Les oppresseurs attendent toujours des opprimés que ces derniers leur transmettent le savoir qui leur fait défaut. in A.Lorde, Essais et propos éd. Mamamélis, p66. Cf. loi 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative aux luttes contre les discriminations et la Loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. [13]Cf. le site www.halde.fr pour une présentation plus détaillée de la HALDE. [...]
[...] Cette entreprise nous le voyons est loin d'être aisée et peut justifier des actes de répression en cas d'échec. Il est alors dans l'intérêt des lesbiennes, pour contrer les atteintes lesbophobes, de s'unir avec les homosexuels, qui bien que bénéficiant des privilèges de la classe dominante des hommes n'en sont pas moins opprimés pour se dérober aussi à la norme hétérosexuelle. B. La répression L'action commune des gays et des lesbiennes vise à intégrer dans le dispositif anti-discriminatoire l'orientation sexuelle afin qu'appréhendée comme un problème social spécifique la lesbophobie soit sanctionnée par le droit. [...]
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