D'une tolérance à une intolérance du viol et de la violence (selon l'hypothèse de Norbert Elias), du soupçon porté à la victime à la haine portée à l'accusé, de l'irréversible condamnation sociale de la victime à celle de l'agresseur, d'une indifférence au viol à un travail de hiérarchisation des crimes sexuels, du viol vu comme immoralité à la prise de conscience d'un traumatisme et d'un 'meurtre psychologique', cette lente évolution n'a pas été, et à toutes époques, sans décalage entre théorie et pratique, privilégiant presque toujours dans un premier temps les victimes enfants avant de s'étendre plus tard aux femmes adultes
[...] Mais nous pouvons retenir cette période que Georges Vigarello s'accorde dans son livre à souligner comme un tournant. Dans L'histoire du viol, nous sommes, au cours de notre lecture, vivement interloqués par le voile que l'auteur place sur la période 1900-1970. Jusque là, Vigarello avait soigneusement reconstitué l'histoire de ce crime, par des archives qu'il s'était démené à chercher. Et au moment d'aborder le vingtième siècle, au moment où les données paraissent les plus accessibles, voici qu'il semble sauter soixante-dix années dans le temps. [...]
[...] Les années soixante-dix/quatre-vingt semblent bien être un tournant dans l'histoire contemporaine des crimes sexuels. Appuyé par un mouvement féministe, qui obtiendra l'égalité homme/femme, dans une période de libération des mœurs, l'accent est mis sur le traumatisme psychologique indélébile de la victime, le viol est ici assimilé à une sorte de mort. La hiérarchie existante est fortement remise en cause : l'agression psychologique devient aussi considérée, voire plus, que l'agression physique. Mais l'individualisme efface les certitudes comme les repères : lorsque l'avenir devient à ce point incertain, on projette tous ses repères sur l'enfant quitte à voir l'autorité familiale et paternelle vaciller sérieusement. [...]
[...] De plus, s'est construit le mythe de l'enfant roi, également conséquence de mai soixante-huit, qui outre la libération des mœurs (qui a eu, faut-il le dire, beaucoup de bon tout de même) a aussi entraîné la libération de la consommation aveugle et superflue. Si on ne parlait que très peu des réseaux pédophiles, nous nous sommes mis très récemment (c'est à dire il y a quelques années) à nous y intéresser, pire : la paranoïa envahit les foyers. Nous sommes prêts à tout pour sauver nos enfants. Les soupçons ne sont plus sur eux mais sur les agresseurs potentiels, c'est à dire sur tout le monde. [...]
[...] De fait, l'état des savoirs est médiocre : l'anatomie reste mal connue, et le recours à la médecine dans un jugement est inexistant. Le nouveau code de la fin du 18ème siècle : un changement relatif et théorique La fin du 18ème siècle voit une augmentation relative de la sensibilité, et une tolérance moindre vis à vis de la violence. Les philosophes des lumières avaient appelé à revoir le code pénal, estimant que la violence exercée sur le corps n'était pas assez prise en compte. En 1791, un nouveau code est créé. [...]
[...] En décembre 1992, un nouveau code est voté. En 1993, un pallier est franchi avec la reconnaissance de l'agression verbale comme violence sexuelle potentielle. Alors que dans les siècles passés étaient poursuivies les agressions effectuées dans les espaces ouverts, les crimes en espaces fermés sont pris en compte aujourd'hui, compte tenu de l'évolution et du changement de la forme des crimes sexuels : plus de la moitié d'entre eux se déroulent au domicile même de la victime ou de l'agresseur. [...]
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