« Je vis dans un monde où plein de choses que je pensais impossibles sont possibles. »
Guillaume Dustan, Dans ma chambre (1996).
« Le privé est politique », « A nous la sexualité que nous voulons », « Notre ventre nous appartient » scandaient les féministes au début des années 1970.
L'ensemble de la société fut alors traversé par une vague de libération sexuelle sans précédent. De sujet tabou, elle est devenue sujet de société en investissant la place publique. La sexualité assurément sortait de l'espace domestique auquel la domination symbolique c'est-à-dire l'amour courtois, la religion et le droit l'avaient hypocritement assigné. Les féministes, véritables fers de lance de ce mouvement, ont ainsi investi télé, radios et journaux pour s'émanciper du joug de leur oppresseur : la classe des hommes. Les plus radicales d'entre elles assumaient fièrement leur subversion en déclarant que « le féminisme est la théorie et le lesbianisme la pratique ». Les bases d'une revendication sexuelle plus large étaient alors posées. Elle prit corps dans la collaboration des homosexuels aux féministes du MLF au sein du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire crée au lendemain de la célèbre émission-radio « L'homosexualité, ce douloureux problème » de Ménie Grégoire le 10 mars 1971. La communauté homosexuelle emboîtait donc le pas aux féministes qui militaient en ces années mouvementées de changement social pour une liberté sexuelle réelle. Bien que le FHAR n'ait pas duré plus de trois années, il a cependant permis par son dynamisme de poser les questions essentielles à l'acceptation sociale de l'homosexualité. Soutenu par des intellectuels aussi illustres que J-P Sartre, G.Hocquenheim, G.Deleuze ou M.Foucault il s'est donné pour tâche de remettre en cause la normalité de la société ce que Françoise d'Eaubonne résumait en s'adressant à André Baudry « vous dites que la société doit intégrer les homosexuels, moi, je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société !»
Intégrer les homosexuels ou modifier la société ? Telle se trouve poser l'épineuse question de l'évolution des mœurs en matière de sexualité. Les homosexuels y ont répondu à leur manière en persévérant dans le militantisme afin de se faire coût que coût une place dans la société.
Est-ce que celle-ci leur a fait une place pour autant ?
[...] La Cour de Cassation a précisé les conditions de délégation de l'autorité parentale définie à l'art.377 de code civil dans un considérant qui fera assurément jurisprudence : Le code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant (Cas.Civ.I fév.2006). [...]
[...] Telle se trouve poser l'épineuse question de l'évolution des mœurs en matière de sexualité. Les homosexuels y ont répondu à leur manière en persévérant dans le militantisme afin de se faire coût que coût une place dans la société. Est-ce que celle-ci leur a fait une place pour autant ? Nous pouvons en effet nous demander aujourd'hui, plus de trois décennies après, quelle est la place de l'homosexualité dans la société hétérosexiste. Les mœurs ont-elles évolué en faveur de son acceptation ? [...]
[...] A bien y réfléchir cependant ce mouvement de dépénalisation de l'homosexualité était déjà en marche dans la société depuis plusieurs décennies. Influencé par la philosophie des Lumières et la valeur fondamentale de la liberté individuelle, l'Etat avait pris en effet le parti après la Révolution française de préserver la vie privée des individus en n'incriminant pas les mœurs contre nature dans les codes pénaux de 1791 et 1810. Napoléon n'est pas revenu sur ce progrès ; l'homosexualité de Jean-Jacques Régis de Cambacérès, rédacteur d'un premier projet du code civil avant le Consulat, ayant sûrement dû avoir son importance. [...]
[...] Les péripéties du PACS nous prouvent inversement que sans disposition favorable des mentalités l'avancée juridique ne peut se faire. Si une loi peut faire progresser des mentalités défavorables l'inverse est en revanche impossible. Ainsi l'ensemble des dispositions favorables aux homosexuels atteste d'un consensus social en faveur de l'homosexualité sur certains points. Il y va du PACS donc mais également de l'interdiction des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et les mœurs adoptées respectivement par les lois des 16 novembre 2001 et 4 mars 2002, la pénalisation des propos homophobes par la loi du 31 décembre 2004 et le partage de l'autorité parentale entre deux personnes de même sexe élevant un enfant[3]. [...]
[...] La tolérance est un mot d'ordre de l'homophobie libérale, mais tolérer est une chose, reconnaître en est une autre écrit alors D.Borrillo. Une dernière question nous vient à l'esprit à ce stade de notre développement qui est celle de savoir si l'évolution des mœurs ainsi décrite a conduit non à l'acceptation totale de l'homosexualité mais à la création de nouveaux citoyens justifiant comme les noirs aux Etats-Unis la politique à situation différente, traitement différent C. Les homosexuels : des citoyens de seconde ordre ? Quelle place l'évolution des mœurs accorde t-elle aux homosexuels dans la société ? [...]
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