« On ne naît pas femme, on le devient ». La célèbre phrase de Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe résume la pensée de l'identité sexuelle comme identité acquise, via une éducation et des normes véhiculées par la société, la famille, l'Etat. Cette pensée est à contextualiser dans le mouvement existentialiste, qui pense plus largement la question de l'identité de l'homme et qui affirme que l'homme n'est rien par nature, qu'il est entièrement façonné par son éducation et son environnement. L'identité n'est pas essentielle, elle est acquise via une intégration consciente ou non consciente des normes sociales, de ce que l'homme ou la femme doit être compte tenu de son apparence et de ses organes génitaux. Bourdieu fera écho à cette pensée en reprenant la citation à son compte : « on ne naît pas homme, on le devient » (in La domination masculine) où il met de la même manière en avant les rituels de « virilisation » de l'homme pour qu'il corresponde à la représentation que se fait la société du genre masculin. Cette pensée est révolutionnaire dans le sens où les « troubles » du genre ont longtemps été stigmatisés d'abord par la religion (bûchers, excommunications, etc.) puis, à l'ère du positivisme, par la médecine et la physiologie qui rangent ces troubles dans le domaine des maladies mentales. La science a cédé à la tentation de la normativisation en ne se soustrayant pas et en alimentant les normes et représentations traditionnelles que l'on se fait du genre. Cependant, il reste difficile de penser, dans une perspective matérialiste, que nos comportements et a forciori notre « gender behaviour » (comportement en tant que genre) et notre sexualité ne soient pas sous-tendus par des processus biologiques.
Vu que le débat est encore virulent entre certains scientifiques et spécialistes du genre, il semble encore pertinent de poser la question suivante: notre identité sexuelle est-elle innée ou acquise?
Dans un premier temps seront développées les tensions passées et présentes entre médecine et étude du genre, pour ensuite se pencher sur les perspectives de réconciliation entre les deux domaines.
[...] D'ailleurs, le fait qu'il n'existe pas de positionnement polaire (je suis un homme vs je suis une femme; je désire les hommes vs je désire les femmes) mais un continuum de comportements et d'identité sexuelle ne va pas à l'encontre de l'hypothèse du fondement matérialiste de nos comportements. En fait, la chimie de notre cerveau et de notre corps en général est tellement complexe et dépend de tellement de facteurs (multiplicité des gènes qui interagissent entre eux par divers processus de régulation, régulation de ces mêmes gènes par des facteurs environnementaux, plasticité de notre cerveau face à notre environnement) qu'il semble même aller de soi qu'il n'existe pas deux genres uniquement. [...]
[...] Notre environnement ne se réduit d'ailleurs pas à celui qui nous entoure après être sorti du ventre de notre mère, mais l'embryon que nous avons été a aussi subi des influences lors de la grossesse; ainsi, nous avons tous été soumis à un environnement différent dans le ventre de notre mère, que ce soit au niveau des hormones dans lesquelles nous avons été baignés ou selon le mode de vie de notre mère. L'idée que nous pouvons être prédisposés à devenir telle ou telle personne choque car cela revient à nous enlever une certaine part de libre arbitre, et faire de nous des personnes pré-programmées. Cependant, c'est là qu'il ne faut pas se laisser aller aux préjugés et au manichéisme, puisqu'une prédisposition n'est rien d'autre qu'une tendance à adopter un certain comportement sous réserve que l'environnement dans lequel on grandit soit propice à ce développement. [...]
[...] Ces études veulent montrer à quel point le sujet de l'identité sexuelle est complexe et qu'il est simpliste de le traiter d'un point de vue biologique. De plus, ce mouvement s'oppose violemment à la façon normative dont on a traité le sujet de l'identité sexuelle et souhaite montrer que ce n'est finalement qu'une question d'environnement et d'éducation. Ainsi, Simone de Beauvoir va s'attacher à montrer que l'identité féminine est totalement construite par l'éducation normative que l'on donne aux petites filles dès leur plus jeune âge. [...]
[...] Un processus de déni intervient alors, et pousse l'enfant à adopter un comportement sexuel différent de la norme hétérosexuelle, qui peut se traduire par l'homosexualité. Une autre interprétation psychanalytique attribue l'homosexualité à la présence trop forte de la mère (décrite comme étouffante) lors du développement psychique de l'enfant. De même, la psychiatrie va ensuite attribuer le comportement homosexuel à des traumatismes vécus comme un viol pendant l'enfance et la construction de la personnalité de l'enfant. C'est face à ce type d'études considérées comme scientifiques mais qui finalement stigmatisent les comportements et les identités non normées que les gender studies se développent dans années 70. [...]
[...] Durant l'Inquisition espagnole, les homosexuels seront pourchassés sans relâche. Plus tard, avec le développement de la physiologie et de la médecine au cours du XVIIIe et du XIXe siècle, les troubles de l'identité sexuelle vont être présentés comme étant des maladies mentales. La science, sous prétexte de dresser des catégories neutres et fondées sur l'expérience ou sur le diagnostic, va exprimer ces différentes façons de se percevoir comme des pathologies. De même, la psychanalyse va aussi concevoir les troubles de l'identité sexuelle et de l'orientation sexuelle comme des suites d'évènements traumatiques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture