Si, comme le démontre J. Camy, professeur universitaire, "L'école est un lieu privilégié de socialisation" …
[...] Quels sont les principaux moyens mis en oeuvre? A l'aune de trois articles académiques récents, dont L'homosexualité, une « question difficile ». Distinction et hiérarchisation des sexualités dans l'éducation sexuelle en milieu scolaire d'Aurore Mat, publié en 2014, Socialisation en négatif : des situations de vulnérabilité aux conditions d'apprentissage de Caroline Dayer, publié en 2016 et la contribution de Éducation à la sexualité : conceptions des élèves de 4e et 3e en collège et SEGPA, rédigé par Dominique Berger, Jean-Claude Rochigneux, Sandie Bernard, Josette Morand et Alain Mougniotte et publié en 2015 dans la revue Santé Publique, nous mettrons en évidence les présupposés ayant servi la refonte d'une éducation sexuelle pédagogique. [...]
[...] Alternative à cette entreprise difficile, Aurore Mat propose, quant à elle, d'en finir avec "l'injonction à la discrétion", notamment par l'intervention et le soutien de ressources extérieures à l'école telles les associations LGBT, car elle est source d'anormativité et de souffrance sociale. Or, si, nous le voyons, les leviers sont nombreux pour tenter de promouvoir un ajustement des perceptions sociales en matière de genre, dans le cadre d'une moins grande normativité et visant à une plus grande justice dans l'odre de socialisation primaire et secondaire opéré à l'école, et si les théories ont progressé depuis quinze ans, les perspectives proposées se heurtent, cependant, à des limites, notamment éthiques, à l'égard du concept de l'intime et des frontières sans cesse rediscutées entre privé et public, mais également à des principes, dont celui du "non-jugement", en particulier concernant les contributions de mesdames Mat et Dayer, semblant privilégier les aspects sociaux et psycho-affectifs, reléguer l'égalité et le respect des droits humains en un sujet mineur, des écueils entre théorisation et idéalisation de l'éducation scolaire, voire en modèle de militantisme s'éloignant d'un principe d'équilibre voire de sagesse, rappelé dans l'étude de Santé publique et promu auparavant par les circulaires de l'école républicaine, "les contenus ne sont pas une fin en soi mais des ressources", car, rappelons-le, il existe un réel danger à ne laisser aucune alternative à un mode de pensée dominant ou émergeant, quel qu'il soit. [...]
[...] En effet, les vecteurs de propagation d'une identité sexuelle prédéfinie sont autant de leviers livrables à un véritable travail de pédagogie. Caroline Dayer identifie, à ce titre, de nombreux biais, qu'ils soient personnels dans la dimension professionnelle; interpersonnels; ou bien institutionnels et sociétaux. On retrouve donc un travail de pédagogie éducative articulé autour des concepts d'homophobie et de norme mais également un travail de terrain, visant à endiguer les violences induites par ces croyances et supposés. C'est ce que suggère Aurore Mat en décrivant le délicat travail de distinction, entrepris dans les manuels de SVT entre orientation sexuelle relevant de choix privés et identité sexuelle définie dans l'espace public. [...]
[...] Aurore Mat propose un dépassement de ces observations en arguant qu'il existe au sein du système scolaire, comme dans la société, des "barrières invisibles" selon l'expression de Varikas (2007), perçues comme autant de freins à l'épanouissement d'une identité autre qu'hétérosexuelle. En effet, les deux articles mettent en lumière le rôle de l'hétérosexisme, mis en évidence par La pensée straight de Wittig (2001) définissant l'hétérosexualité comme une norme contrainte, politique, imposée comme filtre de lecture sociale. De cette théorie, découlent de nombreuses observations telle la prédominance d'une pensée autonormée, rejetant la différence, notamment sous couvert de "droit à l'intime", selon Aurore Mat et aggravant, de fait, la souffrance, la solitude et l'isolement social des personnes concernées. [...]
[...] Enfin, nous discuterons ces points de vue, dans une mise en perspective actuelle de la question sexuelle. "Apprendre à vivre en société" est pour A. Prost (Eloge des pédagogues. 1985), problème prioritaire, parce que préalable à tout enseignement et à toute étude". Or, les difficultés de socialisation liées à l'acceptation de l'identité sexuelle, en particulier lorsqu'elle est différente, ont un impact négatif très marqué dans les apprentissages scolaires mais également sur la santé des élève concernés. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture