J'ai choisi d'étudier la manière dont les parents d'enfants déficients étaient associés à la scolarisation de leur enfant. Ce choix est directement lié à une expérience troublante, que j'ai vécue un soir à la sortie de l'école. Je suis enseignante et comme à mon habitude, je salue les élèves après la classe. Je cherche toujours à particulariser ce petit moment et prête une grande attention à ne pas confondre les prénoms (étant brigade de remplacement, cela n'est pas toujours évident). Ce soir-là pourtant, je n'ai pas reconnu Wesley, petit garçon psychotique dont le comportement est très problématique. Sa maman, au lieu de s'offusquer de cette confusion, semblait ravie de la situation. J'ai alors compris qu'une très grande souffrance habitait cette femme qui entend à longueur de temps que son fils « n'a pas été sage », qu'il est « difficile », si « difficile » que d'ordinaire, on ne l'oublie pas… En étant confondu avec un autre, Wesley devenait justement un petit garçon comme les autres, susceptible de passer inaperçu, de ne pas être vu uniquement au travers de son handicap.
[...] Ces derniers se répartissent en deux grandes catégories : les professionnels de la santé et les professionnels de l'éducation (en particulier de l'éducation spécialisée). Dès la naissance de l'enfant, ils sont présents et accompagnent les parents dans leur cheminement vers l'acceptation. Mais cet accompagnement est plus ou moins complexe, souvent, les professionnels manquent de formation et projettent leurs propres craintes dans le discours qu'ils divulguent : Je me souviens de la première consultation à Bicêtre. Le langage cru, la manipulation publique de mon bébé, l'énoncé, lui aussi public, des séquelles neurologiques. J'étais venue pour savoir. J'étais servie ! [...]
[...] Ainsi les relations entre parents et professionnels sont complexes et ambivalentes. Il va falloir ‘partager' cet enfant, trouver des ‘bonnes volontés' capables cependant de conserver leur rôle d'accompagnateur. La distribution des rôles est parfois difficile, les parents se sentent souvent exclus, parfois même, culpabilisés, mais ils n'ont d'autre choix que de collaborer avec ces professionnels parfois envahissants et maladroits. Dans cette collaboration, la souffrance est parfois au rendez-vous, le regard que le professionnel porte sur l'enfant est déterminant. Il peut être à l'origine d'une aggravation de la souffrance comme il peut être à l'origine du réaménagement psychologique que j'évoquai précédemment. [...]
[...] Pour les parents d'enfant déficient, il renvoie une image tordue, déformée, une image qui stigmatise, qui culpabilise, et qui dit, même sans le vouloir, tu es si différent ! La cellule familiale en péril J'ai montré précédemment que l'annonce du handicap provoquait chez les jeunes parents une phase de sidération puis une phase d'intense douleur psychique. Chez certains parents, cette deuxième phase n'est jamais dépassée. Le réaménagement matériel, parce qu'il est incontournable, se met en place, mais concernant le réaménagement psychologique, l'étape est beaucoup plus difficile à franchir. Certains parents ne la franchissent jamais et préfèrent la fuite. [...]
[...] Les parents ne semblent pas en avoir encore conscience. Des démarches vont se mettre en route et je souhaite observer cette période (en particulier les attitudes des professionnels). Pour Alexis le déni des parents est manifeste, pour lui aussi la question de l'orientation va se poser et je souhaite observer la manière dont les professionnels vont accompagner cette orientation mal acceptée par les parents. La durée d'observation pourra être suffisamment longue. Dans les deux cas j'ai l'assurance d'accéder aux écoles autant que nécessaires. [...]
[...] En guise de conclusion L'ensemble de ce travail permet d'avancer que l'identité des parents d'enfants déficients est une identité à reconstruire. Cette reconstruction doit se faire au travers des trois prismes que j'ai développés : le prisme du moi, le prisme du temps, le prisme de l'autre. Ces trois prismes sont cependant intimement liés. Le ‘moi' doit mettre en œuvre des boucliers psychiques , cette mise en œuvre est coûteuse en temps et se fait d'autant plus facilement grâce au soutien des autres. [...]
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