Dans le cadre d'une réflexion sur la façon dont on enseigne l'Histoire aux enfants, nous avons choisi de nous concentrer sur le nouveau manuel d'Histoire franco-allemand, utilisé pour la première fois cette année en France et en Allemagne. Ce sujet nous permet en effet d'aborder le problème de l'Histoire- mémoire en tant que liée à une nation, mais également de voir les différentes méthodes pédagogiques d'enseignement de l'histoire aux jeunes.
Il n'y a pas très longtemps encore, la France et l'Allemagne se considéraient comme deux « ennemis héréditaires ». En effet, les deux nations ont un passé commun riche : le traumatisme de la défaite française de Sedan contre l'Allemagne en 1870, le Traité de Versailles imposé, notamment par les Français, comme un « Diktat » aux Allemands, les affrontements de la Deuxième Guerre mondiale, les différences de perception durant la guerre froide… Ce sont autant de passages de l'Histoire qui ont été vécus par les deux pays.
Cependant, malgré les antagonismes historiques, un rapprochement entre les deux pays a été voulu dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. La fondation de la CECA (1951), le traité de Rome (1957), le traité de l'Elysée (1963), la création de la chaîne franco-allemande ARTE (1992)… sont autant d'exemples d'une coopération croissante entre les deux nations.
[...] Selon Etienne François, les Français associent toujours mémoire, identité, patrimoine tandis que les Allemands partagent la notion de mémoire entre Gedächtnis et Erinnerung et n'évoquent quasiment jamais le patrimoine. Cependant, les deux nations ont en commun d'être entrées dans ce qu'on appelle l' «ère de la commémoration et même dans l' ère des mémoires partagées franco-allemandes, voire européennes. La volonté d'écrire ce manuel en commun en est une bonne illustration. Dès lors, face aux différences de conception de la mémoire et de l'identité, peut-on espérer arriver à un consensus qui garde un sens ? [...]
[...] A la sortie de l'ouvrage, l'Express titrait Une Histoire pour deux On voit ici toute la complexité de la dialectique unité/diversité. Tous les auteurs du manuel ont insisté sur l'importance du compromis dans la rédaction. Le plus grand point de divergence s'est révélé être la conception que les deux pays avaient du rôle des Etats-Unis dans l'après- guerre. Les Français étaient jugés trop antiaméricains, les Allemands trop atlantistes. On a finalement réussi à réconcilier les deux après maints débats. Mais peut-on faire une histoire complète et objective si l'on discute et sélectionne pour conserver les intérêts des deux parties ? [...]
[...] Un exemple significatif est l'apprentissage de l'allemand et du français au lycée : En 1998 en France d'élèves apprenaient l'allemand, contre 28,7% en 2003 soit près de dix points de moins. L'accent mis sur l'effectivité du partenariat franco-allemand n'est-il pas plus proche de la volonté que de la réalité ? Cette coopération, sur laquelle on insiste beaucoup, n'est-elle pas plus symbolique qu'effective ? Enfin, il faut insister sur les difficultés plus concrètes de l'écriture de ce manuel. Les méthodes pédagogiques utilisées en Allemagne et en France sont très différentes. [...]
[...] Guillaume Le Quintrec, responsable du manuel chez Nathan, insiste sur les problèmes d'harmonisation des deux approches didactiques. Les Allemands privilégient l'interactivité, le ludique, et une réflexion à partir des documents, alors que les Français accordent par exemple beaucoup d'importance à la rhétorique. A vouloir trop concilier deux visions différentes, ne risque-t-on pas d'aboutir à un modèle hybride finalement inefficace dans les deux pays ? On a donc pu voir que le manuel franco-allemand, s'il a conquis la majorité de ses lecteurs et s'il apparaît aujourd'hui comme un nouvel outil pédagogique très riche reste néanmoins un ouvrage qu'il faut manier avec précaution, en gardant à l'esprit qu'il a été rédigé par deux pays dont les relations ont toujours été ambiguës et dont le rôle dans l'histoire européenne et mondiale a été et est toujours très important. [...]
[...] Il traite de l'histoire mondiale récente, de 1945 à nos jours, en s'axant plus particulièrement sur les relations franco-allemandes et sur l'Europe. Il s'agira pour nous de voir quel est l'intérêt d'un tel ouvrage, mais également quelles en sont les limites et les nouvelles questions qu'il soulève sur la retranscription de l'Histoire et la création d'une mémoire commune Nous appuierons notre propos sur l'analyse concrète de certains passages du manuel, notamment ceux traitant de la Shoah, du régime de Vichy et du partenariat franco-allemand qui nous paraissent les plus délicats et les plus pertinents. [...]
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