Sciences humaines et arts, Grandir, c'est apprendre à se séparer, Pierre Delio, dépendance absolue, dépendance relative, apprentissage du langage, lien d'attachement, séparation
Comme en témoignent métaphoriquement les nombreuses variantes du mythe fondateur du paradis perdu, l'homme semble apprendre à vivre avec la nostalgie de la matrice originelle ; la naissance apparait comme étant un évènement physiquement et symboliquement brutal qui met fin de façon irréversible à un état de plénitude permanente et plonge le nouveau-né dans une quête qui n'aura pas de fin pour retrouver cet état premier.
Dans la relation à la mère (ou au substitut maternel), dans les relations amicales ou amoureuses peut transparaitre un désir plus ou moins conscient de fusion comme pour combler cette séparation, ce manque originel.
[...] La prise de conscience de son existence passe dans un premier temps par le toucher, par la peau. La peau, en effet, est une limite tangible entre le soi et le non-soi, le dedans et le dehors, les sensations internes et les stimulations externes. Pour se développer l'enfant doit progressivement prendre conscience de son unité corporelle, s'objectiver, c'est-à-dire être capable de se représenter comme objet dans un monde d'objet, se savoir séparé Il est important cependant que cela se fasse progressivement. [...]
[...] Détacher le lien, mais ne pas le rompre Détacher le lien . Cela semble se produire irrémédiablement à l'adolescence. Quand l'enfant réalise que ses parents ne sont pas parfaits, remet en question les valeurs qui lui ont été transmises, aspire à de nouveaux modèles en d'autres termes quand il aspire à se séparer, à prendre de la distance sur tout ce qu'il n'avait que peu ou pas remis en question. Cet âge, injustement qualifié d'ingrat, est celui des questions existentielles qui viennent bousculer, mais aussi construire l'identité. [...]
[...] Car grandir c'est partir à la conquête de son environnement. La notion d'attachement joue ici un rôle primordial : pour être capable d'explorer son environnement, l'enfant doit posséder une sécurité intérieure qui est le résultat d'un lien d'attachement sécure avec sa mère, ou toute autre figure d'attachement principale. Selon John Bowlby, père fondateur de la théorie de l'attachement, l'attachement est un besoin primaire inné qui se traduit par un besoin de sécurité, de stabilité, de proximité. Dès le 8e mois (d'où le phénomène appelé angoisse du huitième mois), l'enfant est capable de différencier les personnes évoluant dans son environnement et la figure d'attachement principale, qui en général la mère, n'est plus substituable. [...]
[...] Cependant, ce vécu, bien que fondamental, ne peut ni ne doit perdurer : pour être bénéfique, la fusion des premières semaines doit prendre fin. L'enfant va devoir faire l'expérience de la frustration pour se comprendre comme étant séparé de la mère. Il est donc nécessaire que la préoccupation maternelle s'atténue progressivement et que la mère se décentre de l'enfant, diffère ses réponses aux sollicitations de ce dernier pour qu'il accède à la conscience de soi et de l'autre. La frustration permet donc l'émergence de l'individuation. Cependant, pour supporter la frustration et qu'elle soit constructive et non destructrice, il faut avoir été satisfait. [...]
[...] L'enfant insécure, quant à lui, alternera sollicitations et évitement, et se montrera incapable d'investir d'autres personnes ou d'autres objets. Comme le dit si bien Marcel Rufo dans son ouvrage intitulé Détache-moi, l'attachement sert donc de façon assez paradoxale, à nous apprendre à la fois à créer du lien et à puiser la force de nous en détacher. C'est parce que le lien originel nous ancre à la vie et aux autres qu'il va nous permettre de prendre le large. On peut alors larguer les amarres, avec la certitude de pouvoir revenir au port. [...]
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