Accompagnement, collège, humiliation
La question du regard au collège est une question particulièrement épineuse. D'une manière générale, le regard « recèle une redoutable puissance » qui, comme le montre Dominique Pasquier peut chez les jeunes s'exercer avec une certaine tyrannie. Celui qui est objet de regard doit pouvoir se présenter à l'autre de manière convenable, c'est-à-dire en adéquation avec le cadre de la situation et avec les codes en vigueur au sein de ce cadre. C'est à cette condition qu'il pourra participer à l'échange, car il aura témoigné d'une certaine déférence envers les autres. Au collège, cette présentation de soi prend une dimension particulière et pousse la plupart des jeunes à adopter un look, une manière d'être et de se présenter à l'autre. Cette attitude qui s'analyse la plupart du temps comme l'expression d'un conformisme juvénile résultant de la pression exercer par le groupe , peut également s'analyser à la lumière d'un certain nombre de connaissances d'ordre psychologique toujours plus ou moins prises en compte dans les réflexions sur le rapport des jeunes à la mode, mais rarement posées comme point de départ de ces réflexions. Pourtant, mettre au cœur du débat la spécificité du public collégien sur cette question permet de donner une autre dimension aux travaux réalisés par certains sociologues de l'expérience scolaire et de mettre en évidence à quel point la multiplication des regards au collège engendre une déstabilisation qui pose au collégien l'impératif d'un réaménagement interne dont la première expression est cependant externe passant notamment par une mise aux normes de la présentation de soi. Ce mouvement de ‘conformation' a pour lui-même l'intérêt de montrer l'importance que revêt le regard pour les collégiens, il pose aussi de manière explicite la nécessité d'un regard épuré dans toute relation d'accompagnement.
[...] Le Breton Les passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Paris, Armand Colin lu et étudié dans l'édition de Poche Payot et Rivages 2004 p 252 L'ouvrage de Serge Tisseron, La honte, psychanalyse d'un lien social Paris, Denod donne à cet égard de nombreux exemples de réaction par la honte, déclenchée par le regard d'autrui et qui puise profondément dans l'histoire de celui qui est regardé et qui développe ce sentiment. Pasquier Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité, Paris, Autrement, collection Mutations On lira notamment l'expérience relatée par Mathieu : A quatorze ans, je faisais partie d'un groupe, c'était du rap, il y avait que ça, quoi, il fallait écouter le rap, fallait faire du rap C'était dans les années 97- 98 Moi, j'ai vraiment connu ça, je me souviens, j'avais quatorze ans, treize-quatorze ans. [...]
[...] .Nous ne le sommes pas non plus. Le regard des enseignants et particulièrement des enseignants de collèges, se focalise sur les aptitudes de l'élève dans tel ou tel domaine d'enseignement, l'organisation même des enseignements au collège les y invite bien qu'on puisse relever un certain nombre d'avancées sur cette question[49]. Les regards des enseignants de collège demeurent ceux d'enseignants ‘spécialistes de la matière', qui ont souvent consacré de nombreuses années de leur vie à étudier cette matière et ne comprennent pas pourquoi les élèves peuvent y être ‘imperméables'. [...]
[...] Le thème du gros nul classique dans les cours de récréation (Dubet et Martuccelli, 1996), constitue l'expression ordinaire de l'humiliation des élèves faibles. p 36 Voir l'exemple suivant toujours extrait de l'article de Pierre Merle : J'avais une amie dont l'embonpoint la gênait énormément dans sa vie quotidienne ( . Les cours de sport étaient donc pour elle un véritable calvaire. Un jour, en cours de saut en hauteur, le prof lui a demandé de franchir la barre devant tout le monde. [...]
[...] Tout ces comportements qui inquiètent de plus en plus et suscitent de plus en plus de débats, sont liés au trouble de l'image de soi, ils s'attaquent directement au corps, le pose comme objet de contrôle[17], comme instrument d'expression du trouble, comme dernier rempart de l'identité et traduisent finalement toute la difficulté des jeunes à se faire une image d'eux-mêmes suffisamment juste et solide qui puisse être mise en scène pour autrui Le caractère problématique de l'image de soi à l'adolescence A l'adolescence, les jeunes connaissent un certain nombre de transformations corporelles qui ne sont pas sans incidence sur le psychisme. Pour désigner ce corps qui progressivement mûrit, Philippe Gutton, psychanalyste et psychiatre qui travaille depuis plus de 20 ans auprès des adolescents forme le concept de ‘pubertaire'[18]. [...]
[...] Mais il est premièrement saisi par la pluralité de ces images, ressent d'abord le sentiment perturbant de l'informe, aimerait bien évidemment que cela cesse, et voudrait voir émerger une bonne forme de lui-même , mais il doit composer, se fabriquer une image qui lui convienne et qui puisse être partagée, il doit pouvoir surmonter ses tensions et se présenter à autrui, malgré tout. Cette expérience troublante, le collégien la vit très régulièrement particulièrement quand il entre au collège. Souvent encore regardé comme un enfant, il en porte encore toutes les traces et doit s'en débarrasser au plus vite pour pouvoir investir son nouveau statut de collégien. [...]
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