Selon Vygotsky, le langage contribue à la construction des concepts par deux processus : un processus de contextualisation et un processus de généralisation. La contextualisation renvoie au fait qu'une notion se conceptualise à travers ses différents usages dans des contextes d'action et de communication précis. Ainsi, l'enfant construit la notion de la demande quand il a besoin qu'on lui apporte de l'eau, qu'on lui répare son jouet cassé ou qu'on lui cherche le ballon qui est tombé de l'autre côté du jardin. De la même façon, il construit la notion de l'histoire à travers les lectures du soir et les interactions verbales, avec sa mère, qui les accompagnent. Mais l'utilisation d'un mot mobilise en même temps un processus de généralisation qui fait que ce mot, ce signe, représente l'ensemble des sens que celui-ci peut acquérir dans différents contextes d'action et de communication.
La différence mais aussi la relation dialectique qui existe entre les processus de contextualisation et de généralisation dans la construction d'un concept se reflète dans la distinction que Vygotsky fait entre sens et signification d'un mot.
Le sens d'un mot c'est le contenu particulier qu'il acquiert dans un contexte donné. Par exemple, le même mot peut avoir des sens différents dans deux textes littéraires différents. Autre exemple : dans le cadre de ce cours, le langage « égocentrique » acquiert deux sens différents dans la théorie de Vygotsky et dans la théorie de Piaget.
[...] Malgré son intérêt, la théorie de Vygotsky présente aussi quelques limites qu'on peut résumer de la façon suivante : - Production insuffisante d'outils méthodologiques qui nous permettraient d'analyser les interactions verbales et concrétiser le rôle de la médiation de l'adulte dans le développement. La contribution de Vygotsky dans ce domaine reste théorique. C'est Bruner qui, comme on va voir, a complété cette approche en proposant des outils d'analyse de l'étayage de l'enseignant. Précision insuffisante de la nature des continuités et des ruptures qui existent entre concepts quotidiens et concepts scientifiques. Vygotsky a surtout insisté sur la complémentarité qui existe entre les deux processus mais il ne nous dit rien sur les tensions qui peuvent exister entre eux, ni comment les gérer. [...]
[...] Goethe l'avait fort bien compris, lui qui disait que qui ne connaît aucune langue étrangère ne connaît pas vraiment la sienne. Les recherches confirment entièrement cette idée de Goethe, car elles montrent que la maîtrise d'une langue étrangère élève aussi la langue maternelle à un niveau supérieur en ce sens que l'enfant prend conscience des formes linguistiques, qu'il généralise les phénomènes verbaux, utilise plus consciemment et plus volontairement le mot en tant qu'instrument de la pensée et expression du concept. [...]
[...] Il décrit ce processus comme une interaction entre deux types de concepts : les concepts quotidiens et les concepts scientifiques. Les concepts quotidiens correspondent aux mots que l'enfant utilise spontanément dans sa vie quotidienne pour répondre aux besoins de communication avec son environnement. Ces concepts sont fortement contextualisés, c'est-à-dire que l'enfant les utilise dans des contextes précis, ils sont non conscients, c'est-à-dire que l'enfant serait incapable de les définir et d'expliciter leur signification, et non systématiques, ce qui signifie que leurs relations avec les autres concepts du même système ne sont pas encore définis par le sujet qui les utilise. [...]
[...] Ce dynamisme de la signification nous amène justement au problème de Paulhan c'est-à-dire au rapport entre signification et sens. Le mot pris isolément et dans le dictionnaire n'a qu'une seule signification. Mais cette signification n'est rien de plus qu'une potentialité qui se réalise dans le langage vivant, où elle n'est qu'une pierre dans l'édifice du sens.( ) Le sens d'un mot, dit Paulhan, est un phénomène complexe, mobile, qui dans une certaine mesure change constamment selon les consciences et pour une même conscience, selon les circonstances. [...]
[...] On aurait pu, comme dans les mêmes expériences conduites avec des enfants déficients, rafraîchir la situation en changeant tour à tour les crayons en pinceaux, le papier en tableau, les craies noires en craies de couleur. Tout cela pour rendre plus attrayante la situation et prolonger l'activité. Mais pour l'enfant normal explique Vygotsky, cela n'a pas été nécessaire. Il a été suffisant de modifier le sens de la situation sans rien changer en elle. Il a suffi de prier l'enfant qui avait interrompu le travail de montrer à un autre enfant comment il fallait faire. [...]
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