"L’école envahie", d'après le chapitre 1, 'Les tensions du collège' de "L’hypocrisie scolaire, pour un collège enfin démocratique", François Dubet et Marie Duru-Bellat

Résumé du document

Avant les lois sur le collège unique, l'école apparaissait comme une bulle protégée des préoccupations sociales. Seuls les élèves les plus nantis accédaient aux études secondaires, les enfants des couches populaires quant à eux, étaient orientés vers des filières plus professionnelles. La loi sur le collège unique a vu l'arrivée de ces derniers. Or, les enfants des classes populaires importent avec eux les préoccupations d'une couche sociale touchée de plein fouet par le déclin de la société industrielle.

Ainsi : « L'école se sent envahie par ces problèmes et ces difficultés alors que la longue expansion scolaire des années 50 et 60 avait accompagné le développement économique des Trente Glorieuses ». Quand les effectifs scolaires explosent, la croissance économique n'est pas au rendez-vous et « l'alliance implicite de l'école et de l'économie se brise ». La situation devient de plus en plus complexe et tendue entre une institution dont les modèles éducatifs ont peu évolué et une jeunesse dont l'autonomie culturelle a augmenté.

Extraits

[...] En conséquence : L'école est confrontée au problème de la légitimité de son autorité. L'autorité scolaire a longtemps été considérée comme le prolongement de l'autorité paternelle, car elle incarnait des valeurs ‘supérieures' (Nation, Raison, Progrès). L'éducation était assimilée à un dressage. Les événements de Mai 68 ont progressivement pénétré les esprits et crée un autre rapport à l'autorité. Enfants et adolescents ont acquis des droits engendrant du même coup des pratiques éducatives familiales différentes (plus contractuelles). L'autorité est ainsi de moins en moins naturelle, elle doit donc être fondée et légitimée. [...]

[...] Tout cela crée une représentation ethnique des difficultés sociales et scolaires. La connivence culturelle qui soutenait auparavant la relation pédagogique s'est peu à peu disloquée. Certains élèves ont parfois le sentiment d'être soumis à un contrôle de type ‘colonial', ce qui renforce les tensions. Les enseignants ont de plus en plus le sentiment de devoir faire un travail social qui jusque-là été l'apanage des éducateurs. Un problème de légitimité L'évolution des relations entre l'école et la société n'est pas uniquement due au fait de la crise. [...]

[...] On reconnait facilement que les conditions de travail dans ces quartiers sont difficiles. On reconnait également que la société ne soutient plus de la même façon l'institution scolaire. Les problèmes sociaux seraient la cause des problèmes scolaires. Cette représentation des problèmes scolaires a une répercussion forte sur la manière dont sont perçus les élèves issus des milieux populaires. Tandis qu'auparavant ces enfants étaient considérés comme des enfants d'ouvriers qu'il fallait élever au-dessus de cette condition sociale (il fallait réparer l'injustice), ils sont de nos jours des cas sociaux des enfants à problèmes Pour nos auteurs, il s'agit de la conséquence directe de l'épuisement d'une représentation. [...]

[...] La dislocation de cette connivence (dont l'origine peut également être trouvée dans la modification du recrutement et de la formation des maîtres) exacerbe le sentiment de violence. Le statut des élèves violents est par ailleurs ambigu : à la fois coupable de violence, mais également victime d'un système inégalitaire. La violence peut également être une réponse en retour de la violence institutionnelle ressentie par les élèves. Il s'agit d'une violence structurelle découlant de la logique d'une école démocratique de masse où tous les élèves sont considérés comme partant à égalité. [...]

[...] , elle doit construire une autorité légitime et celle-ci ne peut reposer que sur un principe de justice et de réciprocité. L'école aussi crée des inégalités Comme l'expliquent nos auteurs : L'école démocratique de masse est dominée par un paradoxe qu'il importe de bien saisir si l'on souhaite essayer de le réduire sinon de l'annuler. D'abord, l'école est ouverte à tous et doit tenter d'égaler les chances d'accès aux études pour réduire le poids des inégalités sociales. Elle a un rôle prépondérant d'intégration sociale. [...]