On peut regarder ce que nous sommes sous trois aspects différents : une personne, un individu, un sujet. L'individualisme et le subjectivisme sont finalement un rejet de la personne. Une personne, c'est un être ouvert à l'amour et à la connaissance des autres êtres, capable d'accueillir la présence des êtres qui l'entourent. Il n'est pas renfermé sur lui-même comme les autres êtres (végétaux, animaux, etc.). Être une personne c'est pouvoir être en relation. Nous ne connaissons quelque chose d'une personne que par ce qu'elle dit, par ses actes, par ce que ses actes en dévoilent. C'est par nos actes que nous nous révélons un peu à nous-mêmes, par ce qui qualifie un sujet. Mais personne ne peut s'identifier à ses actes, il reste mystère.
Parler d'individu, c'est regarder la personne dans ce qu'elle a de singulier. C'est mettre l'accent sur ce que chaque être a d'unique. Mais je ne suis pas l'auteur de mon propre moi. Il a fallu qu'un autre me donne à moi-même, sinon je ne serais pas. Il y a au fond de moi une gratuité absolue qui dépasse l'expérience de ce monde. C'est dans le moi d'un Autre que mon moi trouve la source de son existence et sa vérité. Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? Ce qui implique qu'en retour chacun soit être attentif à la singularité de l'autre, la respecter comme il attend que sa singularité soit respectée. Tout être est unique parce qu'il est mystère ; il me pose de multiples questions.
La notion de sujet renvoie à la connaissance. Un être connaissant est un être pour qui les autres êtres sont. La connaissance est antérieure à la distinction explicite entre sujet et objet. Mais on peut s'intéresser à ce qui se rapporte à celui qui connaît : au sujet, distingué de l'objet, ce qui dans la connaissance n'était pas explicité car l'objet connu est extérieur, mais aussi en moi. Le sujet prend conscience de lui-même à l'occasion des actes de sa pensée, des actes de sa connaissance sensible ou intellectuelle, intérieure ou extérieure.
[...] Mais nous, religieux, vivons le reflet de ce drame. Nous entrons dans la vie religieuse en aspirant à la communauté, désirant véritablement être frères et sœurs les uns des autres, mais nous sommes quand même des produits de l'ère moderne, marqués par son individualisme, sa peur de l'engagement, sa soif d'indépendance. La plupart d'entre nous sont nés dans des familles de un à cinq enfants, et c'est dur de vivre avec la foule. Aussi l'individu moderne et le religieux sont-ils deux aspects d'une même tension. [...]
[...] Tout cela fait vivre dans l'instant, et met un obstacle à la durée. Le principe de discernement de saint Ignace : ne jamais remettre une décision en cause tant qu'on ne se trouve pas dans la paix qui a fait prendre la décision dans laquelle on s'est engagée, semble leur échapper totalement. Et la mentalité actuelle où on prend dans la religion ce qui fait du bien, ne prépare pas à l'oubli de soi . Or, être adulte, c'est prendre à bras le corps la durée, c'est découvrir qu'il faut une profonde patience pour se construire. [...]
[...] Thérapeutique implique soigner : soigner quoi ? la santé physique ? psychique ? spirituelle ? Ici, il semble qu'il soit question des blessures psychiques, puisque la communauté est spécialisée pour l'accueil des blessés de la vie. Mais la guérison spirituelle, comme nous le verrons, semble ne faire qu'un avec cette thérapie qui dépasse toutes les thérapies. Jésus est-il venu pour guérir les blessures psychologiques ? Il est venu pour guérir les pécheurs. Il a guéri quelques malades, mais très peu. [...]
[...] C'est le critère de l'amour spirituel La vraie conversion de notre agir réalisée en nous par l'Esprit filial, se traduit par le passage de la recherche de son intérêt propre à l'amour de Dieu et de ses frères, par le passage d'un amour égoïste de soi qui ne cherche que son bien-être à un amour tourné vers l'autre, cherchant le bien de l'autre. Cesse de te complaire en toi-même et tu seras sans aversion pour ton frère. Cesse de t'aimer toi-même et tu aimeras Dieu dit Maxime le Confesseur. Le don de notre vie pour nos frères Jn 16) est la vérification de notre amour du Père. [...]
[...] Pourquoi parler de gnose ? Parce que la doctrine enseignée n'est pas puisée dans l'Écriture et se place sur le fond d'une angoisse à guérir. Si l'on regarde l'Évangile, Jésus ne dit jamais qu'il est venu pour guérir les blessures psychologiques. Et pourtant la Samaritaine, Marie-Madeleine, le possédé de Capharnaüm, le bandit cloué à la croix, seraient à classer parmi les blessés de la vie. Quant à Hérode le sanguinaire, il est fort probable qu'aujourd'hui on le ferait examiner par un psychiatre. [...]
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