Quand on parle de religion, on est amené à désigner plusieurs choses. Il y a d'abord la religion dans sa dimension cultuelle et sociale : on désigne alors le fait qu'un groupe de personnes se ralliant à une même doctrine ou à une même vision du monde se livrent, ensemble ou séparés, à des rituels (prières, cultes..). Remarquant qu'une telle activité est spécifique à l'être humain, on est amené à se demander si la religion comme institution humaine est nécessaire à l'humanité, si elle est nécessitée par ce qui fonde l'identité humaine. Ensuite on peut également s'interroger sur l'intérêt et l'utilité d'une telle institution : à quoi sert-elle ? à quels besoins spécifiquement humains répond-t-elle ? est-elle la meilleure réponse qui soit à ces besoins ? On peut aussi essayer de distinguer cette réalité humaine de la superstition, de la magie et des sectes.
Il y a ensuite la religion dans sa dimension dogmatique : on désigne alors le fait que l'être humain dispose de doctrines visant à expliquer le monde et le sens de l'existence humaine. Remarquant que la science et la philosophie s'occupent elles aussi d'expliquer, pour l'une, le monde, et, pour l'autre, notamment le sens de l'existence humaine, on est amené à se demander si la religion comme doctrine constitue une réponse viable à ces questions, si elle est de nature vraiment cognitif. De là on peut s'interroger sur le rapport de ces doctrines à la vérité : comment sait-on qu'elles sont vraies, puisqu'il ne nous ait donné aucun moyen de le vérifier, et que les différentes doctrines portent des discours différents sur les mêmes choses ? quelle place laissent-elles aux autres disciplines qui leur sont concurrentes, à savoir la science et la philosophie ? Il y a enfin la religion dans sa dimension intérieur : on désigne alors l'adhésion qu'un être humain porte aux doctrines religieuses. Remarquant que cette adhésion n'est pas ou plus une donnée universelle chez l'être humain, on est amené à se demander d'où elle vient : est-elle née un conte de fée auquel on croit parce qu'on en a besoin ou bien est-elle une adhésion raisonnable et lucide ? De là on peut aussi d'interroger sur le caractère objectif d'une telle adhésion : peut-on décider de croire ? quelque chose peut-il nous en convaincre ? peut-on en démontrer la nécessité ? C'est aux questions que soulèvent ces trois réalités que nous allons tenter de répondre ici...
[...] Cela peut avoir deux sens : dans le cas d'une religion superstitieuse, les doctrines religieuses seraient des fabulations erronées car nées de la seule imagination ; dans le cas d'une religion naturelle, les doctrines religieuses auraient besoin d'être réexaminées par la raison afin d'y convenir ; enfin, dans le cas d'une religion véritable, il y aurait un fossé nécessaire et sans doute infranchissable entre la discursivité des enquêtes rationnelles et l'immédiate évidence de la révélation. Dans ce dernier cas, ce serait la raison qui, dans sa lente progression, serait défaillante, alors que la foi, dans sa lumière instantanée, serait vraie. Mais même dans ce dernier cas, raison et foi ne s'accordent pas, et si elles le peuvent, ce n'est pas en devenant identiques, mais en gardant, l'une sa discursivité, l'autre son immédiateté. [...]
[...] Dans le premier cas l'excès de ferveur peut tourner au désavantage de l'Etat ; dans le deuxième cas, le fidèle saura ce qu'il est en droit d'attendre de l'Etat, ce qu'il peut attendre de Dieu, et ne mélangera pas les deux domaines : il accordera une soumission librement consentie mais prudente à l'Etat, et une soumission libre et entière à Dieu. II. La religion en tant que doctrine à laquelle on adhère a. La doctrine religieuse répond à des questions auxquelles elle seule peut répondre 1. [...]
[...] Mais toutes les instances pouvant y répondre étant potentiellement dangereuses car pouvant toutes être détournées de leur fin réelle (politique), et leur succès n'étant pas plus assuré que celui de la religion (psychanalyse), la religion reste une réponse acceptable aux angoisses nées de la condition humaine, si tant est qu'elle reste fidèle aux préceptes moraux qui la définissent. Quant à la religion véritable, elle ne répondrait pas à une question, puisqu'elle ne viendrait pas rendre un sens mais en offrir un, nouveau et inédit. [...]
[...] Pour Averroès : La vérité de la religion ne peut contredire à la vérité de la science ; une meilleure connaissance du monde implique et entraîne une meilleure connaissance de Dieu (Le discours décisif). Malebranche : la raison peut servir la religion en cherchant à éclaircir les dogmes ; toutefois, dans le doute on doit s'en remettre aux docteurs de l'Eglise sans pourtant prendre leur parole pour une vérité certaine (Entretiens sur la métaphysique et la religion). Leibniz : Les dogmes de la foi ne sont pas contraires à la raison ; ce qui est au-delà de la raison n'est pas forcément contraire à la raison ; une vérité ne saurait contredire à une autre (Essais de théodicée) Contre Kierkegaard : La foi et la raison sont deux domaines hétérogènes, leurs intérêts sont opposés - pour la religion, c'est le salut, pour la spéculation il faut de la neutralité (Post-scriptum aux notes philosophiques) Solutio et Respondeo Les penseurs religieux affirment que, dans l'idéal, la raison et les doctrines religieuses s'accordent. [...]
[...] Pour Platon : La démonstration de l'existence d'un premier moteur spirituel est possible (Les lois, livre X). Aristote : On peut prouver l'existence d'une cause du monde, qui soit une cause finale (Métaphysique). Cicéron : L'existence des dieux est très probable en raison de la hiérarchie des êtres, qui doit avoir un sommet (De la nature des dieux). Rousseau : La nature éveille en nous l'idée de son créateur (La profession de foi du vicaire savoyard). Malebranche : L'existence de Dieu est requise par la pensée quand elle veut délivrer un discours objectif sur les choses (Entretiens sur la métaphysique et la religion). [...]
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