René Rémond, spécialiste de l'histoire politique et religieuse du XXe siècle, retrace dans cette œuvre un panorama des rapports entre religion et société de 1789 à nos jours. Le sujet est d'importance car c'est l'un des aspects de l'histoire européenne qui a le plus radicalement changé depuis deux siècles. Quelle différence en effet entre la religion d'Ancien Régime omniprésente dans la vie politique, sociale et culturelle et celle d'aujourd'hui qui tend à se marginaliser de plus en plus. Ces deux siècles sont charnières pour le fait religieux et pour l'histoire des sociétés européennes en général car il lui est étroitement imbriqué.
En embrassant une large perspective, René Rémond montre que l'évolution est loin d'être rectiligne, d'autant que plusieurs forces sont en œuvre. Il faut de même distinguer histoire des relations institutionnelles entre l'Eglise et l'Etat et l'histoire des rapports entre la religion et la société, qui, bien qu'interférant entre elles, suivent parfois des trajectoires différentes.
Le cadre de l'Europe, quoique réunissant plusieurs religions (l'auteur s'intéresse surtout aux trois religions institutionnelles chrétiennes) présente cependant de larges convergences dessinant un tableau évolutif des relations entre religion et société en Europe.
[...] Une discontinuité guette l'histoire des relations entre religion et société : l'impact de l'Histoire générale au XXe siècle bouleverse à partir de l'entre-deux guerres les positions de l'Eglise, de l'Etat et de la société. L'importance relative des courants de pensée vus précédemment va dès lors beaucoup varier. Des éléments de permanence persistent toutefois : c'est le cas de l'intransigeantisme religieux. Néanmoins, beaucoup de fidèles révisent leur position, à l'égal du pape progressiste Pie XI, car elle est de plus en plus difficilement tenable. [...]
[...] Le mouvement de sécularisation est déjà bien engagé et ne s'arrête pas là. Plusieurs voies s'offrent à lui : l'une d'elle, principalement choisie par les pays protestants, consiste à reconnaître le fait religieux et à l'institutionnaliser sur la base du pluralisme piliarisation aux Pays- Bas, impôt ecclésiastique en Allemagne). Une autre logique beaucoup plus radicale, conduit l'Etat libéral, mais resté confessionnel, sur la voie d'une neutralité totale de l'Etat à l'égard des croyances et son retrait de ce domaine. Cette voie a surtout été empruntée par les pays catholiques. [...]
[...] Cela explique pourquoi dans un premier temps, elles ont tardé à découvrir la nature perverse et totalement nouvelle des régimes totalitaires. Une fraction du protestantisme allemand a par exemple cru à une possible symbiose avec le national-socialisme. Toutefois, rapidement les crimes nazis renversent leurs positions : le catholicisme en particulier tempère son jugement sur le libéralisme et se découvre avec lui des valeurs communes. Ce renversement est décisif pour le ralliement des Eglises aux démocraties libérales et laïques après la Seconde guerre mondiale. La lutte contre le communisme parachève cette évolution mais les chrétiens sont divisés à son sujet. [...]
[...] A sa suite, les ultramontains pensent qu'il n'y a pas de différence entre la neutralité affichée par les Etats et une impiété déclarée. Ils ne veulent cependant pas un retour à l'Ancien Régime finissant mais à la primauté médiévale de Rome dans tout l'espace social et politique. Ils soutiennent cela avec un système très complet, fondé sur l'intransigeantisme dogmatique. Plus qu'un système, cette idéologie va déterminer les relations entre la société, le pouvoir et le Saint-Siège pendant près d'un siècle. [...]
[...] Pour la première fois on dissocie foi et citoyenneté : la première n'est pas la mesure de la seconde, de même qu'elle n'est plus la mesure des droits individuels. Le principe d'indifférence entre les religions est inscrit dans l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26 août 1789). Il instaure une double rupture : avec une continuité historique pluriséculaire et avec la relation entre la religion et l'Etat. Concernant ce dernier point, les citoyens sont égaux devant l'Etat quelle que soit leur religion, celle-ci n'est plus le critère d'appartenance à la nation. [...]
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