Le Prophète et le Pharaon est une étude des variétés et des contradictions du mouvement islamiste dans l'Égypte des années 1970. Nombreux sont les pays musulmans qui ont connu un mouvement de réislamisation dans la seconde moitié du vingtième siècle, mais l'Égypte fait office de précurseur en la matière. C'est en effet en Égypte, à Ismaïlia, qu'Hassan al Banna a fondé l'Association des Frères Musulmans en 1928. C'est aussi là que Sayyid Qotb a rédigé Signes de Piste, ouvrage considéré comme le Manifeste islamiste, et qui n'a pas tardé à devenir la référence par excellence pour tous ceux qui veulent abattre la société d'impiété (jahiliyya), et édifier sur ses ruines l'État islamique. C'est encore en Égypte qu'ont vu le jour la Société des Musulmans de Chukri Mustapha, le journal islamiste Al Da'wa et les célèbres prédications du cheikh Kichk. Enfin, c'est en Égypte que s'est développé le mouvement Al Jihad, qui commandita l'attentat contre Sadate, le 6 octobre 1981. Pour toutes ces raisons, Gilles Kepel a choisi de faire de l'Égypte l'objet de son étude sur le mouvement islamiste.
La question fondamentale qui se pose dans son livre est celle du détenteur du pouvoir dans les sociétés musulmanes. À qui du Pharaon (le pouvoir politique incarné par le Raïs), ou du Prophète (le pouvoir religieux, aux mains de l'Azhar et des oulémas) revient la légitimité d'exercer le pouvoir ? (...)
[...] Si la manière de se référer à cet âge d'or diffère selon les tendances, tous ceux qui se réclament du mouvement islamiste partagent néanmoins le sentiment d'être étranger au présent des États dans lesquels ils vivent. De même, ils ne se sentent pas Égyptiens, mais d'abord et avant tout musulmans. Le mouvement islamiste s'est développé dans un contexte social agité ; il a fait office de catalyseur des revendications dans une Égypte où les grands élans du nationalisme arabe ont laissé place à des institutions perçues comme oppressantes par la population, à une bureaucratie inefficace et coûteuse, et à une société dans laquelle les camps de concentration sont le lot de ceux qui manifestent leur opposition au régime. [...]
[...] Si pour la plupart des musulmans, seul Dieu peut remplir ce rôle, les islamistes estiment qu'il a été usurpé par des califes malveillants et avides de pouvoir, à commencer par Faraj, théoricien du groupe Al Jihad qui déclare : les gouvernants de notre époque sont des apostats de l'Islam, nourris aux tables de la colonisation. Ils n'ont gardé de l'Islam que le nom Le premier combat du mouvement islamiste va donc être dirigé à l'encontre de ces usurpateurs de pouvoir. Si les multiples courants islamistes présentés diffèrent par leur mode d'action, ils ont en commun leur ennemi : l'Etat. [...]
[...] Le groupe Al Jihad lui-même, qui par son idéologie et par la mise en œuvre de celle-ci (il est responsable de l'assassinat de Sadate le 6 octobre 1981), marquait l'aboutissement du mouvement islamiste, n'en a pas marqué la réussite, puisqu'au lendemain de la mort de Sadate, l'Etat n'a subi aucune modification structurelle de nature à satisfaire le mouvement islamiste. Avec Le Prophète et le Pharaon, Gilles Kepel enseigne au lecteur à penser le mouvement islamiste, en dehors de la distinction proprement occidentale qui s'opère souvent entre le champ politique et le champ religieux. L'Islam est pensée du tawhid, c'est-à-dire de l'unité fondamentale. [...]
[...] Le Prophète et le Pharaon, aux sources du mouvement islamiste, de Gilles Kepel Le Prophète et le Pharaon est une étude des variétés et des contradictions du mouvement islamiste dans l'Égypte des années 1970. Nombreux sont les pays musulmans qui ont connu un mouvement de réislamisation dans la seconde moitié du vingtième siècle, mais l'Égypte fait office de précurseur en la matière. C'est en effet en Égypte, à Ismaïlia, qu'Hassan al Banna a fondé l'Association des Frères Musulmans en 1928. [...]
[...] Dans ce cadre, la distinction entre din et dawla, entre spirituel et temporel, n'a pas de sens si on considère qu'un même texte, le Coran, révélé par Dieu à Mahomet, contient les règles du rapport de l'homme au divin ainsi que les principes de la vie sociale. [...]
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