La question que se pose Danièle Hervieu-Léger dans ce livre est de savoir quelle est la place de la réalité religieuse dans la vie de sociétés qui revendiquent d'être des sociétés laïques. Ce livre constitue en cela un renouvellement de l'analyse sociologique du phénomène religieux, davantage porté sur l'analyse de ses transformations que sur le constat que son déclin irrémédiable. En effet, la sociologie française de la religieuse s'est constituée au moment où s'évanouissait le rêve d'une société catholique. « Pour témoigner de la légitimité scientifique de leur intérêt pour la religion, les chercheurs étaient tenus de confirmer sa disparition ». Or à la fin des années 1960 et début des années 1970 le religieux a fait un retour en force sur la scène publique, avec une nouveauté, la prolifération et la dispersion des croyances, parallèlement à la naissance de nouveaux mouvements religieux. Dès lors les sciences sociales cessent de penser la religion à travers le prisme du désenchantement rationnel, mais s'attachent à prendre en compte les dynamiques de recomposition des croyances. La sécularisation des sociétés ne se résume plus uniquement au rétrécissement d'une sphère religieuse. Elle se traduit tout autant par une dissémination des formes de croyances. La question que se pose l'auteure est alors de savoir si il est possible de reconnaître la pluralité et la singularité des agencements du croire dans la société moderne sans renoncer à rendre intelligible le fait religieux. Ce questionnement pose un défit pour la sociologie de la modernité religieuse : comment identifier l'objet religieux au delà de la simple identification courante et savante devenues inopérantes ?
L'hypothèse de travail de Danièle Hervieu-Léger est de faire une analyse désubstantivée du croire qui ne privilégie aucun contenu particulier. Sa question est donc de comprendre le double processus historique de la sécularisation des sociétés modernes et du déploiement d'une religiosité nouvelle et individuelle.
[...] Il s'agit d'une figure héritée, dont l'identité religieuse est fortement constituée. Elle représente également le noyau dur des institutions catholiques. Néanmoins, elle tend à se réorganiser comme le montre Danièle Hervieu-Léger. En effet, les fidèles aujourd'hui prennent davantage de distance par rapport à l'obligation. Cette obligation est présentée par les fidèles comme une obligation intérieure, un besoin et non une contrainte. Ainsi, l'un d'entre eux explique : On en est, mais on n'est obligé à rien. On le fait parce qu'on le sent L'image du pratiquant régulier est dévalorisée au profit de celle du religieux en mouvement poussé par sa propre conviction. [...]
[...] Il s'agit d'un éclatement du croire et une dérégulation de la religion. Il est possible de croire sans adhérer à une église. Mais ce besoin de privatisation n'efface pas le besoin d'exprimer sa croyance dans un groupe. Au contraire, Danièle Hervieu-Léger constate une multiplication des petites communautés. De même, les institutions religieuses n'ont pas perdu toute capacité à contribuer à la formation des identités sociales. L'Eglise a toujours une fonction identitaire, elle cite par exemple le cas de personnes âgées revenants dans l'Eglise anglicane pour y être enterrées. [...]
[...] En effet, la modernité religieuse se caractérise par l'individualisme. On parle alors d'individualisation du religieux qui s'opère grâce à la différenciation entre une religion rituelle et une religion de l'intériorité. L'auteure explique que ce processus s'est manifesté dans toutes les religions monothéistes bien avant l'émergence de la modernité. L'individualisme religieux n'est donc pas une conquête récente de la société moderne. Cette mutation moderne de l'individualisme religieux est particulièrement repérable au niveau des groupes et réseaux spirituels constitués autour des maisons d'édition, des librairies, et des centres organisants de retraites. [...]
[...] Cette crise de la transmission se double d'une crise de la mémoire. La question qui est posée dans ce chapitre est de savoir quel est le degré de conformité de la croyance et de la pratique des enfants par rapport à leurs parents. En d'autres termes, les enfants de parents pratiquants sont-ils eux-mêmes pratiquants ? Les données recueillies par les sociologues de la famille, notamment François de Singly dans Sociologie de la famille contemporaine en 2002, montrent une évolution des rapports entre parents et enfants vers moins d'injonction et d'imposition et davantage de démocratie et de respect de l'autonomie des choix des enfants. [...]
[...] Danièle Hervieu-Léger revient sur le passage d'un individualisme religieux restreint à un individualisme moderne généralisé. En effet, elle affirme que l'individualisme religieux est antérieur à l'avènement de la modernité caractérisée par l'individualisation de la société. Cette mutation remonte au XVIIIème siècle au moment ou l'individualisme pré-moderne chrétien s'est orienté dans deux directions. D'une part, Dieu est mis à portée des individus, grâce notamment aux prêtres. La multiplication de ses apparitions à des simples croyants et des miracles à cette époque en est une bonne illustration. [...]
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