Olivier Roy est Directeur d'études à l'Ecole des hautes études en Sciences sociales, et depuis maintenant plus d'une dizaine d'années, cet agrégé de Philosophie et diplômé en Persan travaille sur l'islam politique, en s'appuyant notamment sur ses nombreux voyages au Moyen-Orient. En 1992, il publie L'échec de l'islam politique, ouvrage théorisant les différents phénomènes de radicalisation islamique, observables dès la fin des années 1980. Cet ouvrage, qui fut très controversé à sa publication, est ici essentiel si l'on souhaite comprendre L'Islam mondialisé, publié en 2002.
Pensé par l'auteur comme faisant la synthèse des réflexions qu'avait inspirées sa thèse sur l'échec de l'Islam politique, cet ouvrage lui permet notamment de réaffirmer, voire d'affiner, sa pensée qui avait bien souvent été mal interprétée. En effet, O. Roy, par son expression "échec de l'Islam politique", ne prétendait pas prévoir la dissolution ou du moins la marginalisation des islamistes, le terme d'échec évoquant en fait l'incapacité de ceux-ci, une fois arrivés au pouvoir, à mettre en œuvre leur projet utopique initial.
[...] Individualisation et déterritorialisation de l'Islam L'individualisation de la religiosité et la déterritorialisation de l'Islam sont les deux principales conséquences, selon l'auteur, de sa mondialisation. Selon lui, "l'expérience minoritaire" à laquelle est confrontée l'Islam est à la source d'un phénomène de sécularisation, au sens où elle induit une séparation entre les expériences politique, culturelle et religieuse des individus. L'Islam devient une "simple religion" fondée sur le principe de foi individuelle et de liberté d'adhésion à une communauté qui ne se définit plus en termes de culture ou de territoire, mais plutôt en termes de code et de frontière. [...]
[...] En effet, l'identité mise en place par ce code est totalement compatible avec la mondialisation dans la mesure où elle n'a aucun rapport avec le lieu ou le contexte culturel dans lequel évolue l'individu. Ensuite, puisque le néo-fondamentalisme ne croit plus en la création d'un Etat islamique, il prend acte de l'individualisation de l'Islam en rassemblant ceux qui sont isolés dans leur environnement afin de créer une oumma imaginaire ou virtuelle entièrement fondée sur des critères islamiques. Aussi à travers le concept d'oumma virtuelle d'Internet, l'auteur démontre- t-il à quel point cet instrument est un élément clé du néo-fondamentalisme en tant qu'il permet d'articuler le local au global. [...]
[...] Une seule et même idéologie inspire donc des formes d'action différentes, mais toutes s'enracinent profondément dans la modernité puisqu'elles s'appuient sur la déstructuration des sociétés traditionnelles, et cherchent à fonder de nouvelles communautés à partir de l'individu. Pourquoi le néo-fondamentalisme va-t-il de pair avec la globalisation ? À cette question O. Roy avance plusieurs réponses. Tout d'abord, le néo- fondamentalisme en ne définissant pas une culture particulière, mais un Code de conduite et de dévotion, adaptable à toutes les sociétés, s'enracine très facilement dans un monde globalisé. [...]
[...] Roy la mondialisation, voire même l'occidentalisation, de l'Islam ne se traduit pas forcément par sa libéralisation, mais est simplement source de remise en question de la pratique et de la pensée de la religion. L'échec de le l'Islam politique Pour faciliter ici l'analyse de l'ouvrage d'O. Roy, par échec de l'Islam politique nous entendons à la fois la nationalisation des mouvements islamistes au sein du Moyen-Orient, mais également l'impossibilité d'un Islam politique pour le tiers de la population musulmane vivant en Occident où ils ne constituent "plus qu'une" minorité de la population. [...]
[...] L'Islam devient un choix individuel dans la mesure où il est déterritorialisé et ne dispose pas d'institutions imposant des normes strictes. Notons d'ores et déjà que ce mouvement est indépendant de son contenu qui peut varier de l'humanisme musulman au néo-fondamentalisme. Cette déterritorialisation et cette individualisation contribuent à la remise en cause de l'autorité religieuse classique et font naitre de nouveaux acteurs du discours religieux. On peut à ce titre évoquer les réseaux, nombreux, de madrasas et autres lieux d'enseignements qui participent à la délégitimation des institutions traditionnelles. [...]
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