Avec L'islam mondialisé, Olivier Roy s'inscrit dans la suite logique d'une longue réflexion, amorcée en 1985 avec Afghanistan, islam et modernité politique, poursuivie avec l'Echec de l'islam politique, et plus récemment avec La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des nations. La thèse principale de l'ouvrage consiste à démontrer comment l'islam radical des années 1990 a été en fait, forgé depuis l'Occident à partir d'un double processus d'échec de l'islam politique au Moyen Orient et d'immigration des populations musulmanes en Europe. Ainsi, malgré la perception occidentale d'un islam conquérant, la réislamisation ambiante est en fait un produit de l'occidentalisation et de la globalisation, dont le néo-fondamentalisme est l'illustration...
[...] Ces deux modes d'actions vont une fois de plus dans le sens de l'argumentation avancée par Olivier Roy en terme de globalisation et d'occidentalisation. En effet, la prolifération de sites néo-fondamentalistes témoigne de la quête identitaire d'une population musulmane éduquée et déterritorialisée, qui cherche à reconstituer un espace communautaire virtuel pour pallier le rejet de leur identité religieuse par la société. Les deux tendances initiales– individualisation, communauté imaginaire sont exacerbées dans la mesure où, avec Internet, la communauté religieuse est d'autant plus coupée de son contexte social culturel et historique. [...]
[...] Cet ouvrage d'Olivier Roy a donc l'avantage considérable de dépasser une vision stéréotypée et manichéenne de l'islam contemporain et rend compte de manière précise et concise de sa complexité. Dépassant les théories culturalistes du choc des civilisations trop répandues, il situe la matrice de ce phénomène au cœur de l'Occident, ce qui lui permet de conclure que si la réislamisation peut poser des problèmes de sécurité et société, elle n'est pas une menace stratégique En effet, dans la logique de sa thèse, souvent critiqué et mal comprise, de l'Echec de l'islam politique, il insiste sur le fait que cet échec ne correspond pas à une désislamisation mais plutôt à l'autonomisation du politique par rapport au religieux, c'est à dire une forme de sécularisation. [...]
[...] L'attaque en règle contre la culture ne concerne pas seulement la culture occidentale puisque c'est le concept même de culture qui est récusé ; ainsi les néo- fondamentalistes s'en prennent également aux islams locaux et aux coutumes, même lorsqu'ils n'impliquent pas une remise en question du dogme. De la même manière, le néo-fondamentalisme est parti prenante de l'individualisation du rapport au religieux, qui doit mener à la reconstitution d'une communauté imaginaire : l'oumma. En effet, les néo- fondamentalistes partent du constat qu'il n'existe plus de véritable terre d'islam. L'individu est au centre de la création de cet espace virtuel et déterritorialisé, parce qu'il a rompu avec son environnement pour ne se déterminer que sur des critères islamiques. [...]
[...] A l'intérieur également les conséquences de cette nationalisation se font sentir. La pratique politique du pouvoir amène nécessairement les islamistes à se poser la question du pluralisme politique, qui fait peu à peu son entrée dans des régimes tels que l'Iran et la Turquie. Même si l'on ne peut pas encore parler de démocratie, la réalité de l'ouverture est perceptible. A partir de cette intégration dans le jeu politique, l'exigence du monopole de la représentation du religieux dans la politique est progressivement remplacée par un espace politique autonome par rapport au religieux. [...]
[...] Ainsi, la nécessité d'une certaine reconnaissance de la part de l'Etat qui amène la minorité musulmane à se réclamer d'une problématique des droits de l'homme droit des minorités ou bien à se constituer en Eglise, témoigne de ce phénomène d'occidentalisation. Cependant, Olivier Roy souligne que ce mécanisme acculturation, individualisation, occidentalisation - est aussi bien à l'œuvre chez les musulmans libéraux que chez les néo-fondamentalistes. L'islam humaniste, n'est pas un islam réformé sur le plan théologique, mais une application pratique de l'islam fondée sur l'individu et sa religiosité. Il a pour but de donner des réponses concrètes à un croyant pour qui la religion ne relève plus d'une évidence sociale. [...]
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