Né en 1955, Gilles Kepel est professeur à Sciences po ou il dirige la chaire Moyen-Orient–Méditerranée. Il publie en 2004 Fitna: guerre au coeur de l'islam, qui met en perspective les événements du 11 septembre, la guerre d'Irak et les enjeux de l'islam en Europe ; Il est également auteur de Jihad, expansion et déclin de l'islamisme, malencontreusement publié un an avant les attentats du 11 septembre 2001. L'auteur déduisait de l'échec des islamistes à abattre « l'ennemi proche », notion qui renvoie dans la terminologie djihadiste à l'ensemble des régimes musulmans « apostats » souillant par leur collusion avec l'Occident le saint territoire du « dar-al-Islam » (Terre d'Islam), un relatif retour au calme. Les critiques, sans doute encore trop émus par le choc des attentats du 11 septembre, ne manquèrent évidemment pas de relever cette « erreur grossière » d'appréciation, et s'inquiétèrent rapidement de la très bonne santé apparente de l'islamisme radical. Plus qu'une simple justification, Fitna constitue un dépassement total de cette critique sans nuance, en présentant les attentats contre les Tours Jumelles et le Pentagone non pas comme le signe de l'inéluctable triomphe d'al Qaeda et de ses affidés, mais comme la conséquence ultime de l'échec de la stratégie jihadiste des années 90 et le début d'une période sombre pour les islamismes contemporains, faite de sédition (sens même du mot Fitna) et de chaos.
[...] FITNA : Guerre au cœur de l'Islam, par Gilles Kepel Né en 1955, Gilles Kepel est professeur à Sciences Politiques où il dirige la chaire Moyen-Orient–Méditerranée. Il publie en 2004 Fitna: guerre au coeur de l'islam, qui met en perspective les événements du 11 septembre, la guerre d'Irak et les enjeux de l'islam en Europe ; il est également auteur de Jihad, expansion et déclin de l'islamisme, malencontreusement publié un an avant les attentats du 11 septembre 2001. L'auteur déduisait de l'échec des islamistes à abattre l'ennemi proche notion qui renvoie dans la terminologie djihadiste à l'ensemble des régimes musulmans apostats souillant par leur collusion avec l'Occident le saint territoire du dar- al-Islam (Terre d'Islam), un relatif retour au calme. [...]
[...] Il retrace les parcours idéologique et militant des deux fondateurs de la base Oussama Ben Laden et Ayman al-Zawahiri, pour nous aider à mieux apprécier le changement de trajectoire de l'organisation terroriste au lendemain de ses échecs sur les 3 fronts du Jihad des années 90 : l'Egypte de Moubarak, la Bosnie et l'Algérie. Les intérêts divergents des deux hommes ont fini par se rejoindre en 1998, année de la joint-venture entre le Jihad salafo- qotbiste égyptien d'Al Zawahiri et la branche saoudienne de Ben Laden, et de la création du Front Islamiste international contre les Juifs et les croisés Le premier, comptant sur les largesses financières du second pour redonner du poil de la bête à la cause islamiste fut contraint d'inverser sa hiérarchie des priorités, en faisant sienne la lutte contre l'ennemi lointain chère à l'ancien protégé d'Abdallah Azzam (père spirituel du Jihad global), et en ajournant la destruction finale de l' ennemi proche Ultime objectif de ce revirement stratégique : conscientiser les masses de l'Oumma trop longtemps négligées par l' avant-garde Jihadiste à travers un mode d'action spectaculaire et un slogan explicite: Tuer les Juifs et les croisés américains partout où ils se trouvent, y compris sur leur propre sol La mobilisation de la nouvelle génération Jihadiste de la classe moyenne pieuse, et de l'élite islamiste doit in fine déboucher sur une coalition capable de renverser les régimes musulmans corrompus. [...]
[...] De là d'ailleurs l'idée erronée que la chute de Bagdad, telle celle du Mur de Berlin en 1989, enclencherait inéluctablement le mécanisme naturel du processus démocratique sur toute la région. Quoi qu'il en soit, les attentats du 11 septembre 2001 ont permis aux néoconservateurs de mettre leur plan en action, lançant ainsi une guerre contre la Terreur dont personne ne pouvait précisément identifier la cible. Après le rapide renversement du régime Taliban en Afghanistan, l'échec de l'armée américaine à éliminer l' élite identifiée d'un ennemi ductile et insaisissable (les Ben Laden, Zawahiri et consorts) a révélé les premières failles de la stratégie néoconservatrice, à commencer par l'inefficacité des armes technologiques de pointe dans ce conflit de basse intensité (Traque et résilience d'Al Qaida, chapitre 3). [...]
[...] Théorisé dès les années 50 par le mathématicien-politicien (lecteur de Raymond Aron) Albert Wohlstetter, le néo-conservatisme a su détrôner le réalisme prudent qui caractérisait la politique étrangère américaine pensée et appliquée par Henry Kissinger et plus tard Collin Powell. Si le fondement de la stratégie néoconservatrice est idéologique, son application pratique combine le militaire au politique : se fixant pour objectif ultime l'affirmation de l'hégémonie internationale bienveillante des Etats-Unis, les néocons aujourd'hui incarnés par le volontarisme bien trempé d'un Paul Wolfowitz, exhortent à la propagation du modèle démocratique américain partout dans le monde, y compris et surtout au Moyen-Orient. [...]
[...] La France, pays de l'égalitarisme républicain, de l'égalité des chances, et du modèle d'intégration laïque, est aujourd'hui un champ particulier de cette bataille, ou évoluent divers courants islamistes : le courant institutionnel dans la lignée des Frères Musulmans, qui a effectué une révolution mentale importante en considérant l'Europe comme terre du Dar-al-Islam ou vivent des musulmans(Conseil Français du Culte Musulman, UOIF et qui accepte son implantation dans la sphère publique française ; le courant salafiste, qui distingue les salafiste cheikhiste ( piétiste) et les salafistes jihadistes ( radicaux), prône un isolement total des populations musulmanes d'Europe évoluant dans un territoire hostile et devant mettre en application le principe d' al-wala wal-bara (Allégeance et Rupture) qui interdit à tout bon musulman d'interagir avec les impies du Dar-al- Koufr ; ou encore les nouveaux intellectuels musulmans, tels Tariq Ramadan, spécialiste du double discours et nouvelle idole d'une certaine gauche altermondialiste et des groupes de défense des droits de l'Homme . Conclusion En ce qui concerne la forme et le style employé par l'auteur, le lecteur sera agréablement surpris par les quelques artifices qui font de l'ouvrage une pièce unique. Mêlant à la précision de l'analyse une connaissance parfaite du terrain, Kepel va au-delà de la simple enquête journalistique et offre à son public un précieux témoignage. [...]
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