Le féminisme musulman a fait l'objet de divers travaux ces vingt dernières années. Il reste cependant majoritairement l'apanage de sociologues féministes. Le sujet reste très polémique et fait émerger de nombreux questionnements : Islam et féminisme sont-ils deux faits sociaux compatibles ou ne peuvent-ils exister qu'en opposition ? En somme le féminisme musulman a-t-il la possibilité d'exister ? Cet aspect amène à réfléchir sur l'opposition sous-jacente monde occidental/monde arabe de ce terme.
Les deux ouvrages étudiés ici "Femmes et politique au Moyen-Orient" de Sonia Dayan-Herzbrun et "Féminisme, islamisme et soufisme" d'Abdessamad Dialmy sont donc assez récents. Bien que portant tous deux sur le féminisme musulman, leur approche est très différente. Nous devons tout d'abord souligner que les deux auteurs sont eux-mêmes des chercheurs féministes ce qui bien évidemment se ressent dans leur analyse. Mais si Abdessamad Dialmy est marocain et musulman, Sonia Dayan-Herzbrun est française et juive. Leur position de chercheur leur demande cependant une certaine neutralité axiologique dans leur démarche mais leur appartenance au monde occidental pour l'un, arabe pour l'autre sera intéressant de comparer en terme d'analyse. En effet, on retrouve dans les différents travaux existant sur le sujet une mise en opposition du féminisme musulman avec celui occidental. Les deux auteurs appartiennent ici à des courants de pensée différents qui peuvent représenter diverses visions du féminisme musulman. L'auteure française est notamment plus critique.
Leur approche diverge aussi. Sonia Dayan-Herzbrun a choisi une lecture féministe de l'histoire du Moyen-Orient depuis la deuxième partie du XIXe siècle. Dialmy Abdessamad s'intéresse aussi aux données historiques mais axe quant à lui sa recherche sur les concepts de féminisme et d'islamisme et sur leur apparente antinomie. On retrouve ici un deuxième aspect qu'abordent tous travaux sur le féminisme musulman. Y a-t-il comptabilité entre les deux termes de cette notion ? Dialmy Abdessamad nous parle dans son ouvrage d'islamisme mais il ne s'éloigne pas pour autant du concept d'Islam car l'auteur propose une autre voie de la religion islamique en accord avec le féminisme : le soufisme. C'est l'étude de ces deux formes de l'Islam qui permet de considérer que l'auteur étudie le féminisme musulman dans son ensemble.
[...] Le chercheur reconnaît que le refus de la fitna[8] est un principe constitutif de l'islamisme. Sur la scène publique l'évitement des sexes est de mise, d'où la nécessité du port du voile par exemple. D. Abdessamad l'analyse plus comme une libération du souci de soi, de la beauté, de la mode pour se consacrer sans contraintes et complexes aux autres et au travail. Ce point est à nuancer avec son refus de considérer que toutes les formes de l'Islam puissent rendre possible l'émancipation de la femme[9]. [...]
[...] Si la femme ne porte pas de voile, qu'elle se fasse tondre ! ( ) 14 La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas qu'il est déshonorant pour l'homme de porter les cheveux longs 15. Tandis que c'est une gloire pour la femme, car la chevelure lui a été donnée en guise de voile On voit bien ici que la lecture même de la Bible a été remise dans son contexte et a évolué historiquement Le féminisme musulman est donc un mouvement complexe qui a connu de multiples mutations. [...]
[...] A l'inverse, nous avons vu que, pour Sonia Dayan-Herzbrun, le voile a été en Palestine un recul dans la lutte pour les libertés accordées aux femmes (mais ce recul est perçu comme un revoilement forcé). Leïla Babes va plus loin. Certes, le port du voile est vu par de nombreuses femmes musulmanes comme un moyen de s'investir dans l'espace public. Il ne serait alors pas un signe de soumission mais une protection, un attribut de vertu, de respectabilité, de reconnaissance. [...]
[...] Pour d'autres auteurs, féminisme et musulman sont deux termes qui appartiennent à des mondes différents : le monde occidental et celui arabe voire uniquement islamique. Dialmy Abdessamad perçoit ainsi l'arrivée du féminisme dans le monde arabe comme une injection du colonialisme. Pour lui, le féminisme a d'abord été utilisé au Maroc comme une critique du modèle arabe et une valorisation du modèle berbère. Il aurait même permis de justifier en France l'expansion coloniale. Il souligne alors des textes de l'époque comme celui de A. [...]
[...] Il a été influencé par le néoplatonisme et les religions indiennes et s'appuie sur deux versets coraniques : "Si vous aimez Dieu, suivez-moi, Il vous aimera et vous pardonnera vos fautes." (III, 31) et "Dieu amènera un peuple qu'Il aimera et qui L'aimera." 54). Paroles et actions attribuées au prophète Mohammed Décret islamique Code du statut personnel Cf. analyse plus haut. L'association de Femmes musulmanes (1937) portait au préalable le nom de Mères Musulmanes (création en 1928 en Egypte). Il s'agit d'une association féministe musulmane et anti-occidentale. [...]
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