Dominique Iogna-Prat, "Ordonner et exclure : Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, 1100-1150", 1998

Résumé du document

Du XIe au Xlle siècles, société et société chrétienne ne font qu'un, ceux qui ne se réclament pas de la religion chrétienne sont alors exclus de la société. À travers les ouvrages de Pierre le Vénérable moine clunisien, Iogna-Prat relate la façon dont les autorités chrétiennes stratifient la société. Il est question d'inclure ces ennemis par la conversion et de les exclure en cas de refus. S'ordonnent ainsi une société dans lesquelles trois ennemis sont visés : l'hérésie pétrobrusienne, le judaïsme et l'islam.

Du IXe au Xlle siècle, la chrétienté se définit et se structure : elle désignait jusque-là la communauté spirituelle des disciples du Christ, elle devient une institution, l'Église, dont la fonction est d'inclure la société. Dominique Iogna-Prat étudie cette expansion de l'Occident latin à travers le prisme de Cluny, établissement qui deviendra au Xlle siècle un puissant réseau qui s'étendra dans la péninsule ibérique et en Terre sainte.

Extraits

[...] rappelle que le moine qui se comporte comme un homme d'armes est guetté par la vaine gloire et va à l'encontre de son propos et de l'ordre. Il soutient que ce ne sont pas les saints lieux qui assurent le salut mais les saintes œuvres Commentaire L'étude de cette sociologie du christianisme est intéressante, car elle habituellement négligée dans les études consacrées à la société féodale parce que la répartition académique des tâches suppose que l'on traite de façon séparée la théologie et l'histoire de la société. [...]

[...] Enfin, il considère que la liturgie funéraire : offrandes, prières, messes, aumônes) est inutile, le mort ne pouvant rien espérer d'autre que ce qu'il a obtenu de son vivant. Dans le Contra Petrobrusianos, Pierre Le Vénérable veut lutter contre cette hérésie, il indique alors les conditions nécessaires de la vie en société. Il offre ainsi une sociologie du christianisme au Xlle siècle. Pour le baptême, Pierre le Vénérable rétorque par la définition les 3 cercles d'exercice de la foi pour l'autre» : l'atome familial, la parenté spirituelle dans le parrainage, la grande famille spirituelle que constitue l'Église. [...]

[...] Le dernier terme s'applique aux hérétiques des Xle-XIIe siècle, qui font les frais de l'institutionnalisation de l'Église, tout comme aux infidèles» juifs et sarrasins, que la Chrétienté tente de réduire dans son mouvement d'expansion contemporain des deux premiers les croisades. À l'autre extrême, l'intégration est une force d'inclusion et non pas d'assimilation, façon de dire que la société d'ordres du moyen âge réalise l'unité dans la pluralité Le traitement de l'hérésie : la société chrétienne autour du Contra Petrobrusianos de Pierre Le Vénérable Dans la continuité des Pères, qui ont défini les principaux dogmes de la tradition chrétienne en récusant déviations et hérésies, l'abbé de Cluny s'attaque à Pierre de Bruis et à ses adeptes, actifs dans les régions de l'arc alpin et dans le sud la Gallia dans les années 1110-1120. [...]

[...] Les apôtres et leurs disciples répandant la bonne parole du Christ aux quatre coins de l'Empire romain. Après avoir été persécuté puis toléré, le christianisme devient la religion d'État à la fin du IVe siècle. Commence alors un lent processus d'inclusion d'un terme à l'autre dont l'auteur tente de suivre le point d'aboutissement, le moment relativement court où, dans l'occident latin des Xle-Xlle siècle, Église et société achèvent de devenir des notions coextensives. Ce processus commence par la définition des termes pouvoirs et autorités par le Pape Gélase 1er (492496). [...]

[...] Le 12e s. offre ainsi un 1er jalon dans l'histoire du passage de l'antijudaïsme à l'antisémitisme, l'exclusion du juif s'élaborant en termes de différence d'espèce. Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, a proposé de distinguer l'antisémitisme, idéologie laïque du XIXe siècle» et l'antijudaïsme, d'origine religieuse, inspiré par l'hostilité de deux fois antagonistes». Certains historiens font, au contraire remonter beaucoup plus haut dans le temps le passage de l'antijudaïsme à l'antisémitisme. Pareil déni d'humanité s'applique, mais d'une autre façon, aux Sarrasins. [...]