Les livres étudiés ici viennent en effet de deux auteurs, et donc de deux parcours, de deux angles de vue différents : l'un, intitulé L'Islam mondialisé, est écrit par un chercheur de l'EHESS, Olivier Roy. Son travail porte essentiellement sur l'échec de l'islam politique, sur les réseaux islamistes et sur le terrorisme international : il a donc dans ce livre, en plus d'un regard sociologique, une approche large, à grande échelle du phénomène de la mondialisation et de ses répercussions sur l'Islam. A l'inverse, Patrick Haenni, politiste et chercheur au CEDEJ du Caire pendant de nombreuses années, adopte une approche qui se situe plus au niveau micro, tirant essentiellement ses exemples de la société égyptienne.
Ces deux auteurs, dont les différences de points de vue s'expliquent aussi à la lumière de leur parcours différent, partent du même constat : l'essoufflement de l'islamisme, mais n'en tirent pas les mêmes conclusions : pour Roy, face au déclin de l'islamisme, on observe l'affirmation de deux tendances apparemment opposées de l'Islam : un islam humaniste et un néo fondamentalisme, rejetant politique et culture. Mais, en réalité, ces deux tendances procèdent d'un même processus d'occidentalisation de l'islam, car elles empruntent les mêmes concepts et tendent toutes deux à une individualisation de la religion, du rapport à la foi. Pour lui, l' islam est donc traversé par l'occident et donc par la voie d'une sécularisation.
Si Haenni observe lui aussi ce processus d'individualisation du rapport à la foi, il analyse un autre phénomène décrit comme l'islam de marché, défini comme une nouvelle philosophie de l'islam axée sur la construction, l'esprit d'entreprise, la confiance en soi.
[...] Ainsi, à l'opposé d'Olivier Roy donnant une vision plutôt optimiste de l'Islam, allant lentement vers une séparation entre politique et religieux, donc une forme de laïcité à la française, Patrick Haenni conclut à la formation d'un axe de la vertu formé par les États-Unis et l'Islam, dans lequel le libéralisme règne tout en laissant subsister à l'intérieur de la sphère privée un ordre moral extrêmement conservateur. L'idée d' axe de la vertu »renvoie donc dos à dos celle d'axe du mal, que récuse également Olivier Roy, et celle d'un Islam des Lumières allant vers une sécularisation à la française. [...]
[...] L'islam subit ainsi un processus de déculturation : il est extirpé de contexte traditionnel. La pratique de l'islam n'étant pas inscrite dans une loi, ou dans une norme sociale, elle ne peut reposer que sur la pratique individuelle. Par exemple, pour l'islam passé à l'ouest le seul moyen de faire régner la charia est bien de se reposer sur les musulmans et leurs conduites individuelles, ce qui donne lieu à une mutation de la rhétorique des prêches, maintenant fondée sur le rapport individuel à Dieu et à la foi. [...]
[...] À une adhésion communautaire, fondée sur l'évidence sociale d'un Islam majoritaire, se substitue une adhésion individuelle, motivée par le consentement et la volonté individuelle de se poser comme musulman. Cette individualisation de la religion peut donc être vue comme une occidentalisation inconsciente du concept de religion. Dans l'Islam mondialisé, Olivier Roy met l'accent sur le passage à l'ouest de l'Islam : de religion majoritaire, évidente dans des pays de traditions musulmanes, l'islam devient minoritaire et est renvoyé à son statut d'altérité. [...]
[...] Deux visions de l'Islam : L'Islam mondialisé d'Olivier Roy et L'islam de marché, l'autre révolution conservatrice de Patrick Haenni Introduction : Deux livres, deux auteurs Les livres étudiés ici viennent en effet de deux auteurs, et donc de deux parcours, de deux angles de vue différents : l'un, intitulé L'Islam mondialisé, est écrit par un chercheur de l'EHESS, Olivier Roy. Son travail porte essentiellement sur l'échec de l'islam politique, sur les réseaux islamistes et sur le terrorisme international : il a donc dans ce livre, en plus d'un regard sociologique, une approche large , à grande échelle du phénomène de la mondialisation et de ses répercussions sur l'Islam. [...]
[...] C'est plutôt à cette dernière forme d'individualisation que Patrick Haenni s'intéresse. Il l'analyse tout d'abord par la figure de l'islamiste contrarié critiquant la hiérarchisation des mouvements islamiques traditionnels tels que les frères musulmans, au nom d'une revendication d'autonomie individuelle. L'auteur s'appuie notamment sur le contenu du site islamonline (premier site islamique dans le monde par son audience). Nombre de jeunes militants critiquent alors l'enseignement, qui prône la soumission et l'obéissance plutôt qu'un approfondissement de la foi individuelle. De même, cette évolution est également visible dans les discours des nouveaux prédicateurs branchés utilisant des médias individuels tels que la télévision et internet plutôt que les mosquées. [...]
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