La religion aux États-Unis a un rapport éminemment complexe à la politique, bien que le terrain du religieux y soit mouvant. A défaut de pouvoir brosser un tableau exhaustif de la situation du religieux aux États-Unis, Denis Lacorne nous invite à revenir à des questions fondamentales : qu'est-ce qu'un puritain ? Qu'est-il advenu de ceux qui ne partageaient ni la foi ni l'ethos des premiers Pèlerins ? En quoi un born again christian (un chrétien régénéré) diffère-t-il d'un puritain ? Quelle place accorder aux Grands Réveils évangéliques dans l'histoire des États-Unis ? A quel moment l'évangélisme, dans toute sa pluralité confessionnelle, devient-il la religion dominante aux États-Unis ? Comment le catholicisme a-t-il été accueilli dans ce pays à majorité protestante ? Qu'en est-il des religions « postchrétiennes », récemment introduites dans ce pays ? L'athéisme, l'irréligion ont-ils une place
légitime dans l'Amérique contemporaine ? Existe-t-il une laïcité américaine ? Est-il pertinent de parler de séparation de l'Eglise et de l'État aux États-Unis ? L'objet de l'étude de Denis Lacorne n'est pas la religion en tant que telle, mais la place occupée par la religion dans la vie politique américaine et en particulier, son rôle dans la construction d'une identité nationale.
Cette identité s'est forgée en deux temps. Dans un premier temps la guerre d'Indépendance et l'édification d'un dispositif constitutionnel républicain. Dans un second temps, la patiente élaboration d'une idéologie nouvelle, souvent qualifiée de « Credo américain ». Ce Credo, qui mêle certaines valeurs républicaines à une vieille tradition anglo-protestante, fut imaginé au milieu du XIXe siècle par des élites protestantes qui se croyaient menacées dans leur existence par l'arrivée de centaines de milliers d'immigrés irlandais. Ces derniers, majoritairement catholiques, restaient attachés à une religion perçue à l'époque comme autoritaire, prosélyte et antidémocratique. Les historiens appellent cette confrontation « la guerre des Bibles » qui fut en réalité une « guerre des deux Amériques », opposant protestants et catholiques dans les grandes villes du nord-est des États-Unis. Partant de ces moments fondateurs, naquirent deux conceptions rivales de l'identité américaine, qui n'ont cessé de se heurter à partir de cette époque jusqu'à nos jours. La première conception de la nation participe de l'héritage des Lumières. Elle privilégie les droits de l'homme et certaines valeurs séculières, d'abord pensées par les philosophes européens du XVIIIe siècle, puis reprises par les Fondateurs de la République américaine. La deuxième conception de la nation, elle, est influencée par une certaine tradition romantique européenne qui, partant d'une critique de la philosophie des Lumières, assigne une place de choix aux valeurs religieuses, au piétisme, aux vieilles traditions populaires, aux liens ethniques et aux grands ancêtres. Ces derniers sont les puritains à qui est accordée une importance primordiale dans l'élaboration d'un récit national qui privilégie par-dessus tout la continuité historique.
Il s'agit de s'intéresser, dès lors que l'on pense la religion aux États-Unis depuis la France, au regard porté par celle-ci. Ce regard est souvent stéréotypé. Il dénote en fait une connaissance superficielle des faits religieux américains et une tendance générale à exagérer la portée historique des puritains, des fondamentalistes et des évangélistes les plus exaltés. L'écart entre les conceptions française et américaine est tel qu'il est peu de réflexion pertinente sur la place du religieux dans la vie politique américaine.
[...] L'ouvrier se contente de produire en série, sans que son travail soit pour lui valorisé et 47 Denis Lacorne, De la religion en Amérique Essai d'histoire politique, Paris, Editions Gallimard, Esprit de la Cité »,2007 valorisant. A. Siegfried poursuit son analyse dans sa préface à l'ouvrage d'André Philip sur Le Problème ouvrier aux Etats-Unis, en insistant sur le fait qu' aux Etats-Unis, la production est la religion suprême Le thème de la supériorité de la qualité sur la quantité deviendra un lieu commun de la littérature des années 1930. [...]
[...] La droite évangélique était traditionnellement peu active en politique. Sa principale fonction était d'ordre religieux : répandre la bonne parole et faciliter la conversion des adultes. Qu'est-ce qui conduisit Falwell et de nombreux autres évangéliques à changer d'avis à la fin des années 1970 ? D'abord, un certain activisme judiciaire, défavorable à la promotion des idées religieuses ou à des comportements moraux défendus par la droite chrétienne. En 1962, la Cour suprême déclara inconstitutionnelle la récitation quotidienne d'une prière œcuménique. [...]
[...] Kennedy fasse son entrée à la Maison-Blanche Denis Lacorne, De la religion en Amérique Essai d'histoire politique, Paris, Editions Gallimard, Esprit de la Cité »,2007 V. RELIGION, RACE, IDENTITE NATIONALE Pour les élites politiques du XIXème siècle, l'identité nationale des Etats-Unis est ancrée dans le mythe d'un passé puritain. Cette conception d'une nation fondamentalement angloprotestante reste vivace au début du XXème siècle, et retrouve un regain au XXIème sous la plume, par exemple, du politologue Samuel Huntington. Pour lui, l'identité américaine a 2 composantes essentielles : un ensemble de caractéristiques raciales, culturelles, ethnique et religieuses introduites par les premiers colons de Nouvelle-Angleterre ; et, un Credo américain c'est-à-dire un ensemble de valeurs politiques (la liberté, l'égalité des chances, la démocratie représentative) et sociales (l'individualisme, l'éthique du travail). [...]
[...] LE RETOUR DU RELIGIEUX La critique historiographique qui annonce la mort de Dieu aux Etats-Unis était inséparable d'un appel à une révolution spirituelle, destinée à restaurer les grandes valeurs humaines, le goût de l'effort, le sens du tragique, la lutte contre le capital et la spéculation. Etait imaginée une Europe comme le seul lieu possible d'un retour de l'Esprit. La Seconde Guerre mondiale mit fin à toute velléité de messianisme européen, sans interdire la possibilité d'un redressement économique et social. Le succès des Trente Glorieuses et l'importation des méthodes du scientific management produisaient dans la durée d'immenses progrès économiques et sociaux. Le débat français changeait de registre à partir des années 1950. [...]
[...] C'est pourquoi la secte la plus importante du pays, celle des presbytériens, n'a pu conserver longtemps son Eglise officielle. Le régime démocratique mettait donc fin au monopole religieux des successeurs des premiers puritains. La religion aux Etats-Unis, pour les Français du temps des Lumières, est bien un sujet d'étonnement, une préoccupation nouvelle, inséparable de la modernité et de l'idée de progrès. Les quakers semblent incarner une certaine fin du religieux : une religion désenchantée, privée de hiérarchie, vidée de toute substance sacramentelle. C'est la religion sans prêtres tant admirée par Voltaire et ses disciples. [...]
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