Anthropologie, rite funéraire, Famadihana, corps, mort, deuil, culture malgache
Bien après les travaux de Mauss en 1934 dans le cadre de son essai « de systématisation de l'étude des techniques du corps », ce n'est que dans les années1970 que l'anthropologie s'est intéressée au corps en tant que tel. Dans notre culture occidentale, le corps a toujours été séparé de l'esprit. Rejeté par cette distinction, le corps demeure voué à la chair et au sexe, alors que l'esprit relève de l'âme et de la spiritualité. Ainsi considéré dans sa matérialité, le corps renvoie à l'animalité de l'homme, voire à sa trivialité. Cette nouvelle forme d'anthropologie bouscule l'ordre établi, dans la mesure où elle indique que la pensée et l'ordre social sont ancrés dans le corps, et que les affects qui s'appuient sur la nature sensible du corps constituent une dimension affective de la vie sociale.
À titre d'exemple, examinons le rituel funéraire des Malgaches, pour qui la mort n'est pas une fin en soi, il s'agit plutôt d'une transformation vers une autre vie, durant laquelle les défunts deviennent des représentants utiles entre Dieu et les vivants. Au cours du Famadihana, les émotions des vivants s'intègrent au processus de construction du rite funéraire des familles endeuillées, ce qui nous porte à croire que cette nouvelle anthropologie du corps et des affects qui s'y rapportent contredit l'ancienne anthropologie basée sur la mise en évidence de structures impliquant seulement l'usage de la raison.
[...] Les rites funéraires donnent aux morts une existence sociale, même si le souvenir des personnes décédées peut créer des liens entre les vivants, les rites sont plus efficaces, ils imposent des moments pour évoquer les disparus, des lieux spécifiques, des objets précis, qui sont autant d'occasions de communication sociale. Les historiens y voient un moyen de dédramatiser la mort en lui conférant des pratiques légitimées comme le décrit Philippe Ariès « La mort apprivoisée ». Les anthropologues s'interrogent sur l'importance de la ritualité aujourd'hui, par rapport au rôle primordial qu'elle a joué précédemment. [...]
[...] Cependant, la seconde moitié du 20è siècle laisse apparaitre un affaiblissement de l'ampleur et de la pompe du Famadihana, pour diverses raisons. Le cout des festivités est régulièrement remis en question, les fournitures de la fête et le nombre, parfois astronomique (jusqu'à 5000 par famille), d'invités occasionnent des dépenses qui stigmatisent les plus démunis. Certains jeunes réclament d'en réduire la durée et d'observer le rituel avec simplicité, peut-être dû à la transmission intergénérationnelle d'un patrimoine qui se limite de plus en plus. [...]
[...] Les corps sont sortis un à un du tombeau, au son de la musique et des cris des participants, puis déposées sur une natte avant d'être enveloppés dans de nouveaux linceuls et oints d'huiles et de parfums par chaque membre de la famille. Lorsque tous les corps ont été enveloppés, la famille les porte et effectue sept tours autour du tombeau avant de les y redéposer. La cérémonie s'achève par le discours de remerciement prononcé par la personne la plus âgée de la famille. [...]
[...] Moyen spécifique d'entretenir la cohésion familiale autour des défunts, ce rituel est aussi une occasion d'apprendre aux enfants à communiquer avec les aïeux. Mais la renégociation de l'adhésion à la communauté familiale peut être remise en cause par l'émigration, car les migrants conservent leurs obligations morales et financières par rapport au patrimoine local et à ses habitants, le système des dons et contre dons génère une relation de réciprocité parfois lourde pour les familles traversant des périodes difficiles. le rite funéraire Cette coutume funéraire apparue vers le XVIIe siècle à Madagascar rappelle la coutume des « doubles funérailles » répandue en Asie du Sud-Est, dans l'Égypte Antique, dans le Proche Orient et la Grèce Antique. [...]
[...] Selon les croyances locales, avant de devenir « Razana », c'est-à-dire, intermédiaire important entre Dieu et les hommes, les morts doivent passer par différentes étapes quasi obligatoires. Les membres d'une même famille exécutent ce devoir envers leurs ancêtres au moins une fois dans leur vie. Cependant, la fréquence de cette cérémonie dépend des moyens financiers de chaque famille, chaque ménage invité doit faire un don en espèces à l'organisateur, en fonction de sa richesse et des habitudes propres à chaque famille. La période de préparation débute un an avant la cérémonie, permet d'établir le calendrier grâce à la contribution d'un personnage influent, une sorte de devin. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture