Nous avons parlé du combat spirituel d'après les Pères du désert, Augustin. C'est le monde dans lequel baigne la vie monastique. Mais le monde actuel est tout autre que le leur ; on n'approche pas les réalités spirituelles de la même façon. La confrontation avec des univers différents fait jaillir des questions. Puisque nous réfléchissons aux enjeux du combat spirituel aujourd'hui, j'en ai retenu une : la place des vertus, ce qui peut paraître étrange. Le titre proposé indique les divers points qui entrent en jeu : l'affectivité, la foi, la psychologie et les vertus. Cela revient à se demander si les vertus sont aujourd'hui encore un enjeu important du combat spirituel qui donne son dynamisme à la vie chrétienne.
Une première confrontation de l'expérience des Pères avec un monde où la dimension intellectuelle prédomine fait réfléchir à leur apport propre : spécialement en ce qui concerne les vertus, à leur dimension affective. Elles semblent s'être desséchées.
La confrontation de l'enseignement des Pères avec des courants spirituels actuels qui se réclament d'eux pose aussi la question des vertus, bien que de façon totalement différente. La lecture qui est faite des Pères ne ressemble en rien à celle que transmet la tradition monastique. En particulier les vertus, qui sont un élément fondamental du combat spirituel, ont disparu : elles dynamisent pourtant l'affectivité spirituelle.
Avec les vertus, notre divinisation, qui est l'enjeu fondamental du combat spirituel, disparaît. Pourquoi ? Certains disaient que Dieu a changé à cause de l'urgence des temps et que les premières étapes de la vie spirituelle ne sont plus nécessaires. Mais ce ne peut être une réponse suffisante ; elle fait plutôt surgir une nouvelle question !
J'ai donc rassemblé ici quelques éléments de ma réflexion. Après un bref rappel de l'enseignement des Pères sur les vertus, j'ai retenu quelques questions qui surgis-sent lorsqu'on le confronte avec une morale abstraite, ou avec une morale de l'obligation, puis avec les doctrines qui se répandent aujourd'hui.
[...] On distingue donc trois puissances de l'âme : le désir (plaisir, amour), l'ardeur (énergie, colère) et la raison (l'intellect). Ce sont les trois composantes du dynamisme intérieur, mises en mouvement soit vers le bien : pour tendre vers lui, le rechercher, lutter pour l'obtenir, soit vers le mal. L'attraction du dynamisme intérieur vers le bien est source de délectation, de force, d'endurance, de déploiement de l'intelligence par une ouverture à la vérité. L'attraction vers le bas, par contre, éveille la concupiscence, la colère, l'orgueil. Les sentiments qui naissent de cette double attraction sont totalement neutres au niveau moral. [...]
[...] C'est le loisir qui permet de se cultiver, de jouir d'un beau paysage, d'étudier, de réfléchir, de se former soi-même ; de se cultiver soi-même. Le loisir pour un grec permet de s'occuper des affaires publiques. Il donne la possibilité de devenir un être complet : un corps beau et vigoureux, un esprit capable d'agir selon la vertu. Ce qui nécessite non seulement de connaître le vrai et le bien, mais encore d'agir en fonction du vrai et du bien. Les Pères ont repris cet apport des Grecs. [...]
[...] Tel doit être le moine, et celui qui cherche le Christ Seigneur : il garde sans cesse les yeux fixés sur la croix et passe par- dessus les scandales qu'il rencontre, jusqu'à ce qu'il parvienne au Crucifié”.[4] L'affectivité spirituelle est l'aspect personnalisé de ce qu'on appelle, en termes patristiques, la divinisation par la charité. La charité est une vertu divino-humaine qui se propage comme une onde attractive dans tout l'être, jusque dans le corps, pour nous diviniser. On comprend que Cassien assimile la chasteté à la charité[5]. Cela peut surprendre au premier abord, mais la force de la charité est si unifiante qu'elle entraîne toutes les pulsions dans son mouvement. Le corps touché par la charité est orienté, aspiré, dans un mouvement vers Dieu. [...]
[...] C'est le monde dans lequel baigne la vie monastique. Mais le monde actuel est tout autre que le leur ; on n'approche pas les réalités spirituelles de la même façon. La confrontation avec des univers différents fait jaillir des questions. Puisque nous réfléchissons aux enjeux du combat spirituel aujourd'hui, j'en ai retenu une : la place des vertus, ce qui peut paraître étrange. Le titre proposé indique les divers points qui entrent en jeu : l'affectivité, la foi, la psychologie et les vertus. [...]
[...] Les vertus sont un don de Dieu, mais elles sont aussi le fruit de l'effort que Dieu attend de nous : elles sont entièrement de Dieu, entièrement de nous. L'aide de Dieu vient au secours de notre effort. Les vertus donnent ainsi peu à peu sa stabilité au désir. Elles sont le remède à l'instabilité, car elles gardent la volonté orientée vers le bien. Elles sont la santé de l'âme. Le dynamisme des vertus est constitutif de la liberté ; il la fait grandir. Et plus on est libre, plus les vertus deviennent faciles à mettre en pratique. [...]
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