Au centre de l'interprétation du livre de Job par Negri se trouve une tragédie, un drame qui lui permet de proposer une ontologie du travail qui participe à la fois d'une création et d'une libération, à savoir « une cosmogonie créatrice dans laquelle l'homme et Dieu s'affrontent et d'identifient. » La tragédie continue à hanter notre époque et à repousser toute perspective de salut (« Le problème du salut, nous dit Negri, est encore plus important et urgent pour ceux qui ont été marxistes. ») En somme, nous avons toujours à nous confronter au mal et à la théodicée : « le fait que nous ne parlions plus de Dieu, ni de Satan, ni de l'homme comme entité abstraite, et que nous ayons voué au balai de Spinoza toute référence théologique ne supprime pas le problème mais se limite à le requalifier. » Rien ne justifie le monde car le monde est travaillé par le négatif, le tragique, il n'existe donc pas de valeurs auxquelles puissent se rattacher un hypothétique Prométhée, tout au plus « un refus ontologique qui fait suite à une douleur ontologique ». Job n'a commis aucune faute, l'injustice dont il est victime est totale, il n'a pas, comme Prométhée, dérobé de feu. D'où la démesure de Job dans sa révolte qui s'inscrit dans une contingence absolue démontrant que les conditions dialectiques apparaissent avec la constitution du monde en même temps que les conditions de la non-dialectique.
[...] Job, la force de l'esclave, p.177. [...]
[...] L'originalité du livre de Job est de montrer que le monde se présente comme une dualité, comme un rapport[8] rapport entre Dieu et l'homme qui définit le réel. Dans ce rapport entre Dieu et Job, Job abaisse Dieu à sa hauteur pour se faire reconnaître, reconnaissance qui se déroule à la fois comme lutte, comme processus et comme procès afin d'interrompre la dialectique maître-esclave. L'opposition de deux sujets l'un comme l'autre absolus c'est ce qu'on appelle la guerre Mais nous sommes ici dans une communauté qui refuse de se sentir scindée en deux. [...]
[...] En se justifiant, en se présentant devant Job, Dieu perd sa dimension transcendante et absolue car Job en fait l'expérience directe. Cette expérience signe en quelque sorte la mort de Dieu qui, en se justifiant devant l'homme, transforme l'antagonisme en une projection d'altérité qui va permettre à l'homme de participer à la création et à la puissance divine. L'histoire se trouve alors entièrement investie par Dieu qui se réalise par la lutte l' antagonisme et la destruction[17] mais ces conflits sont traversés par une puissance constituante qui permet de contrebalancer leurs effets destructeurs : l'amour. [...]
[...] A travers le Messie, la valeur est renvoyée au travail. Le discours théologique de Negri sert ici à justifier une théorie matérialiste fondée sur le travail en tant que force de création (création de la liberté contre l'exploitation et la domination mais aussi création de valeurs). La résurrection du travail va alors de pair avec la résurrection de la chair, mais la rédemption n'est pas universelle car le Messie sépare les exploitants des exploités, les dominants des dominés, et seuls les seconds peuvent être sauvés. [...]
[...] Job, la force de l'esclave, p.38-39. Job, la force de l'esclave, p.42. Job, la force de l'esclave, p.43. Job, la force de l'esclave, p.51. Job, la force de l'esclave, p.59. Job, la force de l'esclave, p.61. Job, la force de l'esclave, p.125. [...]
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