Aujourd'hui le matérialisme historique est tombé en désuétude alors que les questions religieuses connaissent un regain de vigueur. Les « nouvelles spiritualités » se développent tout en étant limitées à la sphère privée, comme une sorte de « secret personnel et obscène » qui ne pourrait pas prendre une dimension publique. Cette croyance, qui n'est pas vraiment prise au sérieux par les croyants eux-mêmes en ce qu'ils prennent une distance vis-à-vis d'elle (notamment en invoquant un « style de vie » culturel : « je n'y crois pas vraiment mais cela relève de la culture à laquelle j'appartiens »), joue un rôle thérapeutique : autrement dit la multiplicité des croyances actuelles, vidées de leur substance, ne sont plus censées qu'aider les individus à s'intégrer à l'ordre existant. Il est possible et nécessaire, cependant, que la religion joue un rôle critique et politique.
Alors qu'à son époque où le matérialisme historique tenait encore une place importante au contraire de la théologie, Walter Benjamin pouvait affirmer que le matérialisme, conçu pour gagner « à tout coup », devait prendre à son service la théologie, « petite et laide », « priée de ne pas se faire voir ». Aujourd'hui la situation s'est inversée : la théologie retrouve ses lettres de noblesse alors que le matérialisme n'est plus en odeur de sainteté. Pourtant, selon Zizek, il est nécessaire qu'elle le prenne à son service sous peine de se diluer à nouveau dans « les eaux glacées du calcul égoïste » . Il s'agit donc de renverser la première thèse sur la philosophie de l'histoire de Walter Benjamin : « La marionnette appelée « théologie » est conçue pour gagner à tout coup. Elle peut hardiment se mesurer à n'importe quel adversaire, si elle prend à son service le matérialisme historique, dont on sait qu'il est aujourd'hui petit et laid, et qu'il est de toute manière prié de ne pas se faire voir.»
[...] L'utilisation du terme religieux grâce se fait donc hors du domaine strictement réservé aux croyants afin de concevoir des phénomènes du monde profane. Déjà Lacan n'hésitait pas à user du même procédé : une notion aussi articulée et précise que celle de la grâce est irremplaçable quand il s'agit de la psychologie de l'acte, et nous ne trouvons rien d'équivalent dans la psychologie académique classique. (Lacan, Séminaire VII : L'Ethique de la psychanalyse Le Seuil, p.201). Zizek, La parallaxe, p.133. Zizek, Fragile absolu, p.155. [...]
[...] La souffrance de Dieu implique qu'il est engagé dans l'histoire, que celle-ci l'affecte, qu'il n'est pas juste un maître transcendant qui tire les ficelles au-dessus de nous : la souffrance de Dieu signifie que l'histoire humaine n'est pas simplement un théâtre d'ombres mais le lieu d'une lutte réelle dans laquelle est engagé l'Absolu lui-même et au cours de laquelle se décide son sort. (Zizek, La parallaxe, p.237). Zizek, Essai sur Schelling, p.98. Slavoj Zizek, In defense of lost causes, Verso Zizek, Le spectre rôde toujours, p.37. Zizek, Irak : le chaudron cassé, p.127. Zizek, L'intraitable, p.112. Zizek, Irak : le chaudron cassé, p.132. [...]
[...] A ce moment, s'ouvre cette béance où rien de plus, rien d'autre, ne peut être articulé que ce qui n'est le commencement même du ne fus-je qui ne serait plus même être qu'un refus, un ne, ce tic, cette grimace, bref ce fléchissement du corps, cette psychosomatique qui est la terre où nous avons à rencontrer la marque du signifiant. (Lacan, Séminaire du 17 mai 1961, cité par Jean-Pierre Cléro dans Dictionnaire Lacan, Ellipses p.242). C'est tout le mérite de Walter Benjamin, selon Zizek, d'avoir montré qu'il faut introduire une différence minimale, concevoir un vide qui sépare le langage humain du langage en tant que tel. [...]
[...] Grâce à la crucifixion du Christ et à sa résurrection, le christianisme devient la religion de la Vérité révélée grâce à l'incarnation : l'homme est Dieu, Dieu est l'homme. Or cet Evènement n'est pas d'emblée inscrit au cœur des consciences puisqu'il constitue avant tout quelque chose de radicalement Autre[12]. La vraie religion, et ici Zizek reprend Kierkegaard, ne consiste donc pas à trouver la vérité au fond de son âme sur le mode d'une réminiscence socratique Cette interprétation new-âge du christianisme doit être rejetée en affirmant au contraire l'extériorité radicale de l'Appel de Dieu qui peut coïncider avec une pure intériorité par un acte de foi absolu qui consiste à répondre et à obéir à l'injonction divine (c'est en cela que le sacrifice d'Abraham prend toute sa signification). [...]
[...] C'est sur cet aspect que Habermas a fait l'impasse en posant directement l'idéal du langage en général (voir Zizek, Bienvenue dans le désert du réel, p.50- 51). Lacan, Le Séminaire, Livre XVII. L'envers de la psychanalyse, Paris, Seuil p.139., Cité par Zizek dans Organes sans corps, p.127. Lacan, Encore, Le Séminaire Livre XX, éditions du Seuil p.59. Ce qui est fondamental chez Zizek n'est pas tant le dialogue, la communication ou l'échange mais la rencontre qui n'est autre que l' écho d'un choc traumatique (Zizek, Organes sans corps, p.134). C'est grâce à la rencontre que peut s'affirmer la brèche constitutive de l'univers. [...]
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