Aspect très représentatif de la pensée chrétienne de notre temps, la théologie de l'histoire s'efforce d'inventorier et de systématiser ce que la révélation et la foi apportent au croyant sur le problème du « sens de l'histoire ». Comme sa religion mère le judaïsme, le christianisme est une religion historique, professant une intervention de Dieu dans l'histoire humaine, ce qui implique une valorisation positive du temps vécu : l'histoire est le mode de réalisation d'un plan divin, destiné à promouvoir le salut. Mais la véritable histoire, celle qui a un sens, n'est pas l'histoire empirique, visible, mais celle ; très largement inaccessible à nos yeux, de la destinée spirituelle de l'humanité : son objet et sa nature sont définis en référence aux deux images pauliniennes de la croissance du corps du Christ ou, comme le développera de préférence Saint Augustin dans l'œuvre maîtresse qu'il lui a consacrée, la Cité de Dieu, le rassemblement du peuple des saints.
Cette authentique vision chrétienne de l'histoire a, dès lors, prit des formes diverses. Depuis la littérature apocalyptique des premiers temps chrétiens jusqu'aux courants illuminatistes contemporains se sont manifestés sous bien des formes : attente de la fin de l'histoire, règne des élus sur la Terre où fleuriraient justice et bonheur ou cité terrestre d'inspiration chrétienne. Sous ces divers aspects s'est réalisée une transposition du plan spirituel à une conception plus profane de l'histoire, qui a préfiguré et en quelque sorte justifié l'émergence de philosophies de l'histoire rivales.
[...] Pour les chrétiens, Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les royaumes ; tantôt il retient les passions ; tantôt il leur lâche la bride, et par là il remue tout le genre humain. Dans cet optique, le hasard ni la fortune n'existe plus. L'histoire est alors un dessein, Dieu mène l'histoire au but qu'il lui a assigné, que rien n'arrive qu'il ne l'ait décidé et voulu. La Providence traduit, dans l'histoire des hommes et de la création, la toute-puissance et l'omniscience divine. [...]
[...] La pensée chrétienne du XIXe siècle s'est évertuée à défendre et revendiquer l'œuvre de Bossuet comme l'expression authentique de l'enseignement de la révélation chrétienne. La génération actuelle a pu voir se développer une nouvelle phase, en quelque sorte une renaissance de la théologie de l'histoire privée d'apologétique. Selon Henri-Irénée Marrou[2], cette pensée chrétienne plus contemporaine a su retrouver l'essence d'un enseignement proprement révélé de l'histoire. Dieu : maître de l'histoire La principale interprétation chrétienne de l'histoire est assurément la Providence. [...]
[...] Ce progrès n'est saisi, perçu et connu que dans la foi, c'est-à-dire dans une connaissance nécessairement partielle et obscure. L'homme chrétien, par la foi, sait que l'histoire a un sens et quel est ce sens, mais il n'est pas doté d'un moyen sûr d'écrire dès maintenant cette histoire, qui n'est perceptible pleinement que du côté de l'Éternel. Tous les théologiens, de quelque confession ou école qu'ils se réclament, sont d'accord pour souligner ce qu'ils appellent le mystère de l'histoire, qui ne sera pleinement élucidé que dans l'eschatologie : d'abord, parce qu'alors l'histoire sera achevée et qu'alors seulement toutes les causes auront produit tous leurs effets, alors seulement chacune des étapes de ce long et complexe itinéraire de l'humanité révélera sa signification ; le rôle et l'apport réel et donc la signification de chaque événement, de chaque vie, de chacune des souffrances subies ou de chacun des exploits accomplis pourront apparaître ; ensuite, parce qu'alors seulement, pleinement illuminés dans la lumière divine, nous connaîtrons comme nous sommes connus. [...]
[...] Introduction à une christologie du devenir, dans H. Bost, Théologie et histoire, Cerf, Paris, 1999. [...]
[...] Sous la direction de A. Di Berardino, Cerf, Paris Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique dans H. Bost, Théologie et histoire, Cerf, Paris Henri-Irénée Marrou, Théologie de l'histoire, Cerf, Paris G. Tersteegen, Chemin de Vérité, dans H. Bost, Théologie et histoire, Cerf, Paris J. de Senarclens, Le mystère de l'histoire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture