Les Pères de l'Église ont vécu à une époque où la vie chrétienne était en plein essor, avec beaucoup de vitalité. L'espérance était spécialement forte chez eux. J'ai donc retenu pour commencer deux textes patristiques un de saint Cyprien, évêque de Carthage au IIIe siècle, et un de saint Augustin, évêque d'Hippone de 397 à 430, pour percevoir dans toute sa force le regard chrétien sur la mort.
Le texte de saint Cyprien a été écrit à l'occasion d'une épidémie de peste qui faisait des ravages (252-254) les fidèles avaient peur de mourir. Leur évêque leur fait prendre conscience de la contradiction qu'il y a entre leur attitude et leur prière. Ne disent-ils pas chaque jour à Dieu « Notre Père… que ta volonté soit faite, que ton règne vienne » :
Nous devons nous rappeler que notre devoir est de faire la volonté de Dieu, non la nôtre, comme le Seigneur nous a enseigné à le demander chaque jour dans notre prière. C'est contradictoire et absurde, alors que nous demandons que la volonté de Dieu se fasse, de ne pas être prêts à obéir sans tarder à cette volonté lorsqu'il nous appelle à sortir de ce monde. Nous résistons, nous refusons comme des esclaves rétifs, on nous traîne tristes et chagrins devant le Seigneur. Nous sortons de ce monde par contrainte et nécessité, non par une libre obéissance. Et nous attendons de Dieu les honneurs de la récompense céleste, alors que nous venons à lui de mauvais gré Pourquoi demandons-nous dans la prière que le règne des cieux vienne, si nous prenons un tel plaisir à la captivité de la terre ? Pourquoi insistons-nous par des supplications répétées pour que le jour du règne se hâte, si nos plus grands désirs et nos voeux les plus ardents sont pour servir ici-bas le démon, plutôt que pour régner avec le Christ ? [...]
Nous devons considérer, mes frères bien-aimés, et méditer continuellement que nous avons renoncé au monde, que nous passons ici-bas, provisoirement, comme des étrangers et des voyageurs. Accueillons avec joie le jour qui fixe à chacun son véritable domicile, qui nous délivre de ce monde et de ses filets pour nous rendre au paradis et au Royaume. Quel exilé ne serait pas pressé de rentrer dans sa patrie ? […] Nous tenons le ciel pour notre patrie. […] Un grand nombre de ceux que nous aimons nous y attendent une immense foule de pères, de fils, de frères nous désirent. Ils sont déjà sûrs de leur propre salut, et encore inquiets du nôtre. Quel bonheur partagé, pour eux et pour nous, de nous revoir, et de nous embrasser ! Quel bonheur, dans ce royaume céleste, de ne plus craindre la mort ! Quelle félicité parfaite et perpétuelle, de vivre pour l'éternité (Cyprien, Traité sur la mortalité).
[...] L'attente de la réalisation d'une promesse La tradition monastique a beaucoup insisté sur le bienfait d'avoir la mort présente devant les yeux : Le marchand guette la terre ferme, et le moine l'heure de la mort. La Règle de saint Benoît place ce conseil parmi les instruments des bonnes œuvres : Avoir chaque jour la mort devant les yeux Il ne s'agit pas d'une obsession maladive, mais de la reprise de 1 Co : Chaque jour, je risque la mort Mais saint Paul, comme les martyrs, avait chaque jour la mort présente devant les yeux, à cause des persécutions dont il était l'objet. Il n'avait pas besoin de se mettre la mort devant les yeux. [...]
[...] Ce qui revient à les traiter comme des choses dont nous usons. Nous laissons-nous captiver, accaparer par les agréments du voyage, jusqu'à oublier où nous allons ? La mort conduit donc à une réflexion sur la patrie, et par là même sur le bonheur. Augustin est souvent revenu sur cette question du bonheur dans Sa prédication. Mais qu'est-ce que le bonheur ? Quels critères doivent être là pour qu'il y ait bonheur ? Mort, vie et bonheur Le bien le plus précieux, c'est la vie. [...]
[...] La mort est le passage vers une rencontre. Elle a quelque similitude avec la naissance. Celle-ci n'est-elle pas une mort à la vie connue pendant neuf mois dans le sein maternel ? Et en même temps elle permet d'entrer dans une vie plus plénière. La vie qui précède la naissance n'est qu'une préparation à cette vie nouvelle. De même, notre vie sur terre est une préparation à la vie éternelle, à la vie en Dieu: elle en est un apprentissage. [...]
[...] Mais si les agréments de la route ou le balancement des véhicules nous charment et nous amènent à jouir de Ces biens dont nous aurions dû user, nous ne voudrons pas de sitôt finir notre voyage et, enveloppés d'une douceur perverse, nous nous détournerons de la patrie dont la douceur nous rendrait heureux. Or il en est de même du voyage que nous faisons, en cette vie mortelle, loin du Seigneur. Si nous voulons revenir dans la patrie, pour pouvoir y être heureux, nous devons user de ce monde et non en jouir2 (Augustin, Traité sur la doctrine chrétienne). La mort nous interroge sur la vérité de l'orientation de notre existence. Notre amour pour Dieu est-il l'amour de quelqu'un qui a hâte de rencontrer celui qui est aimé ? [...]
[...] La pensée de la mort contribue ainsi à purifier le cœur, à maintenir dans la vigilance. Quelle mort? Un passage à la vie La mort que nous devons avoir constamment devant les yeux, bien sûr, n'est pas n'importe quelle conception de la mort. C'est la mort du Christ, la mort suivie de la victoire pascale, la mort que la vie a vaincue. La mort est alors liée à ce qui la suit, et qui est désirable, même si elle reste une rude réalité (cf. [...]
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