Quand le premier roi Bourbon accéda au pouvoir, l'Eglise avait plus de mille ans. Société quasi démocratique au début, elle s'était hiérarchisée et féodalisée, quadrillant le territoire grâce à un réseau administratif efficace, matérialisé par le système des paroisses, et imprégnant les mentalités de la société française grâce un clergé omniprésent dans la vie quotidienne, non seulement religieuse mais aussi civile. Le pouvoir royal, lui, cherchait à poursuivre une construction de l'absolutisme engagée par François 1er. L'étude des liens entre monarchie et religion sous l'Ancien Régime peut ainsi prendre pour point de départ symbolique le Concordat de Bologne en 1516, signé par François 1er et Léon X : en instituant le roi de France comme « chef » du clergé français, cet accord marque le début de l'instrumentalisation de l'Eglise par un Etat royal fort. La période qui va de 1516 à 1790, date de remise en cause du Concordat, verra cependant l'affaiblissement de ce pouvoir, notamment à cause de la question religieuse. L'expansion de la Réforme en France va non seulement remettre en question l'omnipotence du catholicisme, mais surtout fragiliser le fondement principal du pouvoir monarchique, à savoir la conviction partagée par tous que le roi est le « lieutenant de Dieu sur terre » (Bossuet), et donc de droit divin. La particularité du système politique de l'Ancien Régime, mis à part le fait qu'il suppose à sa tête un seul homme, le roi, réside donc ici : le pouvoir spirituel, la religion, vient appuyer le pouvoir temporel, la monarchie, et lui donner une crédibilité. Dans ce contexte, l'alliance entre l'institution ecclésiastique et l'institution royale apparaît comme une nécessité politique évidente pour le roi, qui va chercher à contrôler une Eglise gallicane figurant comme une originalité européenne, avec comme obstacle premier l'autorité, souvent discutée, du Saint-Siège. Il nous faut donc étudier l'évolution de la religion, comme système de valeurs mais surtout comme institution sociale, dans l'enjeu politique qu'elle représente : il semble ainsi que la sécularisation progressive de la société française sous l'Ancien Régime soit parallèle au renforcement du pouvoir absolutiste sur la fin de la période. Le roi image de Dieu sur terre aurait su utiliser habilement le consensus religieux, tout comme les divisions confessionnelles fortes apparues au 16ème siècle, pour construire l'Etat et en faire, au final, une institution quasi sacrée.
[...] Selon Saint-Simon, le souverain n'a que l'écorce de la religion et regarde l'obéissance religieuse comme une affaire de gouvernement. Ainsi, la persécution des jansénistes trouve son explication dans le fait que Mazarin et lui voient dans la secte une coterie politique ayant des attaches avec les restes de la Fronde princière (en se fondant entre autres sur l'adhésion au jansénisme de Conti et sa sœur de Longueville, anciens frondeurs). De même, la révocation de l'Edit de Nantes répond avant tout à la nécessité politique d'unifier le royaume autour d'une seule confession, même si elle peut également s'expliquer par la pression du parti dévot autour du roi, et par ses préoccupations personnelles quant à son salut. [...]
[...] A la cour de Louis XIV, c'est une véritable religion monarchique qui s'installe. Marc Bloch note ainsi : Jamais époque n'a plus nettement et peut-on dire plus crûment que le 17ème siècle accentué la nature quasi-divine de l'institution et même de la personne royale Cette analyse trouve sa confirmation dans le témoignage d'un petit paysan bourguignon à la fin du règne de Louis XIV : Comme j'avais entendu parler plus souvent de la puissance absolue du Roi que de la grandeur et de la majesté de Dieu, je le croyais une espèce de divinité. [...]
[...] On a souvent exagéré l'aspect uniquement politique de ces nominations. Il est vrai que la procédure (âge minimum des candidats, grade universitaire ) était souvent violée pour donner l'épiscopat à des personnages peu soucieux de la tenue spirituelle de leurs évêchés. Cependant, après les guerres de religion, les rois étaient trop attachés aux impératifs du renouveau catholique pour négliger le paramètre religieux. Cette nomination aux bénéfices, décidée par le roi mais pour laquelle le pape devait donner son accord, se situait au cœur des luttes d'influence entre papauté et royauté : durant la discorde entre Louis XIV et Innocent XI, ce dernier refusa d'instituer les candidats aux sièges épiscopaux, laissant ainsi 35 diocèses sans pasteur officiel en 1689 ! [...]
[...] Ces assemblées naquirent pour des questions d'argent : le pouvoir royal, qui revendiquait une contribution financière du clergé en contrepartie des troubles causés par les guerres de religion, exigea par le Contrat de Poissy le versement de 1,6 millions de livres par l'Eglise au trésor royal pendant six ans, ainsi que le remboursement en dix ans des rentes sur l'hôtel de ville de Paris. Charles IX convoqua une assemblée du clergé en 1567 pour prolonger ce contrat. A partir de 1595, ces assemblées se réunirent avec régularité, alternant tous les cinq ans grandes assemblées (vote du don gratuit) et petites assemblées (vérification des comptes). L'argent reste le motif essentiel de ces réunions. Pour le roi, elles représentent la promesse d'une négociation prompte et d'une rentrée rapide d'argent. [...]
[...] Louis XIV entama d'abord une guerre juridique à l'encontre des protestants et finit par promulguer la révocation de l'Edit de Nantes (Edit de Fontainebleau-1685). Malgré des apparences de tolérance, même au sens ancien du terme, sous le règne d'Henri IV, la monarchie française aura donc toujours gardé comme mission principale la protection de la religion d'Etat. Cet attachement au catholicisme révèle sans doute des intérêts sous- jacents pour la royauté : protection des fondements de sa propre autorité bien sûr, mais aussi soumission entière du clergé au pouvoir souverain en échange de ce soutien dans la lutte pour un unanimisme doctrinal L'enjeu politique de la religion sous l'Ancien Régime concerne donc, au-delà des principes spirituels qui régissent le système politique, une alliance d'intérêts réciproques entre deux puissances temporelles, la royauté et l'Eglise. [...]
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