Le concept de laïcité est difficile à définir de manière précise. En France, il désigne le principe de séparation du pouvoir politique de l'Etat du pouvoir religieux.
La laïcité est donc une idée moderne, car l'Etat a pendant longtemps eu une religion officielle. Ainsi, la religion catholique est la religion d'Etat jusqu'à la Révolution, période à laquelle les rapports entre l'Eglise et l'Etat se modifient profondément. Cela est attesté par la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qui reconnaît la liberté religieuse dans son article 10 en proclamant que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Ainsi, les protestants en 1789 puis les juifs en 1792 deviennent des citoyens à part entière. La Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790, qui régit la vie de l'Eglise et obligeant les prêtres à prêter serment de fidélité à l'Etat , met unilatéralement fin au Concordat de Bologne de 1516 et provoque la rupture avec Rome. Enfin en 1792, l'état civil séculier est institué et le mariage civil est dissocié du mariage religieux.
Une première séparation entre l'Eglise et l'Etat a lieu sous le Directoire, instituée par le décret du 3 Ventôse de l'an III (21 février 1795) et confirmée par la Constitution de 1795 selon laquelle « nul ne peut être empêché d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi ».
Cependant celle-ci ne dure pas et dès 1801, Napoléon Bonaparte négocie avec le pape un Concordat qui rétablit l'union de l'Eglise et de l'Etat, sans toutefois revenir sur les principaux apports de la Révolution. Ainsi, la religion catholique ne redevient pas religion d'Etat, mais est qualifiée de « religion de la majorité des français ». A côté de la religion catholique, trois autres religions sont officiellement reconnues par l'Etat (les religions luthérienne, calviniste et juive). Par ailleurs, le Premier consul nomme les évêques, et les ministres des quatre religions sont rémunérés par l'Etat. Même si la liberté des cultes est mieux respectée que sous la Révolution, l'Etat s'est ménagé la possibilité de contrôler la religion dominante.
Sous la IIIème République, la laïcité se développe. En effet, avec l'arrivée au pouvoir des républicains, une série de dispositions législatives et réglementaires laïcisent le pays : suppression, à l'exception des fonctionnaires, de l'obligation de repos dominical obligatoire instituée en 1814 (loi du 12 juillet 1880), laïcisation des hôpitaux et des cimetières, suppression des aumôneries militaires, interdiction faite à l'armée d'escorter les processions, suppression du serment religieux devant les tribunaux, laïcité des écoles maternelles (loi du 16 juin et décret du 2 août 1881), neutralité de l'enseignement public en matière de religion, de philosophie et de politique, laïcisation de l'enseignement public (loi Jules Ferry du 28 mars 1882) et des personnels enseignants dans l'enseignement public (loi Goblet du 30 octobre 1886), rétablissement du divorce (loi Naquet du 27 juillet 1884), suppression des prières publiques officielles à l'ouverture de chaque session parlementaire (loi du 14 décembre 1884). La loi du 1er juillet 1901 qui instaure un régime juridique libéral en faveur des associations prévoit un régime d'autorisation pour les congrégations. Avec l'arrivée au pouvoir d'Emile Combes en 1902, l'anticléricalisme atteindra son sommet : fermeture de plus de 10 000 écoles catholiques, interdiction faite aux congrégations d'enseigner (loi du 7 juillet 1904), confiscation de biens et propriétés des communautés, et religieux contraints à l'exil.
Si au début du siècle les partisans d'une séparation de l'Eglise et de l'Etat restent encore minoritaires, la séparation devient dès 1903 l'enjeu de débats parlementaires. En effet, la papauté réagit fortement aux dispositions françaises, ce qui provoque de vives tensions entre Rome et le gouvernement français. En 1905, la France décide de rompre unilatéralement le Concordat de 1801 et adopte le 9 décembre 1905 une loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Cette loi ne sera pas appliquée en Alsace-Moselle, alors sous domination allemande, ni dans certains territoires d'outre-mer où des régimes spécifiques subsistent.
La Constitution de 1946, reprise par la Constitution de 1958, constitutionnalise le principe de laïcité. Ainsi, l'article 2 de la Constitution de 1958 affirme que « la France est une République […] laïque. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de race, d'origine ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Cependant, ni la loi de 1905 ni la Constitution de 1958 ne définissent le concept de laïcité. Selon Jean Rivéro, « une seule [conception de la laïcité] a trouvé place dans les documents officiels ; les textes législatifs, les rapports parlementaires qui les commentent, les circulaires qui ont accompagné leur mise en application ont toujours entendu la laïcité en un seul et même sens, celui de la neutralité religieuse de l'Etat » . Pour étayer son affirmation, il se fonde sur le droit applicable, à savoir la loi de 1905. C'est donc à partir de ses principales dispositions que l'on pourra donner un contenu à cette notion. Toutefois, depuis 1905, la société a évolué et d'autres problèmes non réglés par la loi ont surgi. Ainsi, la question d'une révision de la loi de 1905 se pose. Est-elle souhaitable ? Cela ne va t'il pas affecter le principe de laïcité ?
Pour pouvoir répondre à ces questions, il est nécessaire de savoir ce que recouvre le concept de laïcité de l'Etat (I). Nous verrons alors que son adaptation est nécessaire (II).
[...] Ainsi, y toucher porterait atteinte à un principe fondateur de la République. De plus, pour Henri Pena-Ruiz, les arguments avancés en faveur de la révision ne sont pas opposables à l'exigence laïque. Il en est ainsi de l'argument selon lequel le financement des mosquées se fait par des fonds étrangers car la laïcité implique qu'en matière religieuse les croyants sont maîtres chez eux ; ainsi, il revient aux musulmans eux-mêmes et non à l'Etat de neutraliser l'intégrisme. Le rôle de l'Etat doit se borner à éduquer les citoyens et à prendre soin des conditions de vie de ses citoyens, ce qui contribue indirectement à lutter contre l'intégrisme. [...]
[...] p Cf loi du 28 mars 1882, codifiée à l'article L 141-3 du Code de l'éducation. CE, Ass avril 1995, Koen, RFDA 1995, p [9]Avis CE Ass novembre 1989, RFDA 1990, p ; Dalloz 1997, p ; AJDA 1990, p Cf Article L 2213-13 CGCT : Il ne peut être établi, même par voie d'arrêté, de prescriptions particulières applicables aux funérailles, selon qu'elles présentent un caractère civil ou religieux CE, Ass octobre 2001, Mme AJDA 2002, p René Rémond, Faut-il réviser la loi de 1905, p. [...]
[...] La question des interdits alimentaires des religions juive et musulmane a elle aussi donné lieu à des solutions pratiques. Ainsi, dans les cantines, une circulaire recommande d'en tenir compte. Dans l'armée, la nourriture halal est assurée. Dans les prisons, le porc est exclu des repas ; la nourriture halal ou cacher est possible mais payante. Concernant le port du foulard sur les photographies d'identité, les femmes musulmanes ont le droit d'être photographiées avec leur foulard, à condition que leur visage soit dégagé. Ensuite, les services publics doivent adopter une organisation compatible avec le libre exercice des cultes. [...]
[...] Ainsi, la loi de 1905 a subi quelques atteintes. Cependant, si on la supprimait, c'est tout l'édifice de la laïcité qui s'écroulerait. Il convient donc de trouver un juste milieu. C'est tout le sens du rapport Machelon de 2006 qui relance des questions qui pourraient n'être réglées que par la voie du règlement ou de la circulaire, et par conséquent sans toucher à la loi. Bibliographie Ouvrages Rapport public du Conseil d'Etat, Un siècle de laïcité La documentation française Commission présidée par Bernard Stasi, la documentation française Guy Haarscher, La laïcité, Que sais-je nº 3129, PUF Yves-Charles ZARKA, Faut-il réviser la loi de 1905 PUF Rémy CABRILLAC, Marie-Anne FRISON-ROCHE, Thierry REVET, Libertés et droits fondamentaux, Dalloz 2007. [...]
[...] Ainsi, l'institution de carrés confessionnels dans les cimetières est impossible en droit. Toutefois, en pratique, ils sont admis et même encouragés par les pouvoirs publics afin de répondre aux demandes des familles, de confession musulmane notamment, de voir se créer dans les cimetières des lieux d'inhumation réservés à leurs membres. Des circulaires du Ministre de l'Intérieur ont indiqué, d'abord pour les Français de confession musulmane (circulaire du 28 novembre 1975), puis pour tous les défunts de cette confession (circulaire du 14 février 1991), que les maires pouvaient procéder à des regroupements de fait des sépultures, sous réserve que la neutralité du cimetière soit alors particulièrement préservée, tant en ce qui concerne l'aspect extérieur des parties publiques que la possibilité laissée aux familles de toutes religions de s'y faire inhumer La circulaire de 1991 précise que si un tel espace ou carré a été réservé par la commune, l'inhumation dans cet emplacement doit résulter de la volonté exprimée du défunt, ou de la demande de la famille ou de toute personne habilitée à régler les funérailles. [...]
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