Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, les politologues et les chercheurs en relations internationales ont abandonné le schéma bipolaire opposant l'URSS aux Etats-Unis. Suite à l'implosion du bloc soviétique en 1991, les questions concernant le conflit Est/Ouest ont disparu pour laisser place à de nouvelles interrogations quant au conflit Nord/Sud, dont l'immense majorité est constituée par des Etats d'Afrique et du Moyen-Orient qui ont pour religion l'Islam.
Cette religion ne fait pas l'objet d'une application unique par tous les Etats musulmans, chacun, selon l'école de pensée dominante, apporte son originalité. En effet, « l'Islam est plural ». Bien que l'Islam soit la religion la plus répandue après le christianisme avec 1,3 milliards de croyants, soit près de 20% de la population mondiale, il serait « dangereux de parler d'un ordre musulman » . Néanmoins, des caractéristiques communes sont à retenir, au sein des différents islams, qui témoignent d'une construction originale fondée sur « le principe d'Unité: [le] tawhid » , au nom duquel « l'obéissance civile ne saurait être séparée de l'obéissance religieuse ». Ce principe témoigne de la prégnance de la religion au sein de ces Etats dont la construction reposerait sur les quatre sources de l'Islam: le Coran, la Sunna, les hadiths (actes et paroles attribués au Prophète) et la Charia (Loi Divine).
Ainsi, l'Islam, selon M. C. Ferjani, est « une religion qui englobe tout […] Il est simultanément foi et loi, religion et Etat » . Mais afin d'éviter toute confusion ou tout arbitraire, il nous faut prendre en considération le fait qu' « il serait simpliste d'énoncer une construction du politique homogène et propre à cette religion multiséculaire ».
Il serait alors intéressant d'étudier dans quelle mesure l'Islam a joué un rôle déterminant dans la formation de l'Etat au sein des pays musulmans. Le rôle de cette religion, qu'il soit prépondérant ou mineur, doit être mis en exergue grâce à ses caractéristiques propres et inhérentes qui sont autant d'entraves ou de facteurs favorables à la réalisation des exigences démocratiques au sein des Etats musulmans.
Nous étudierons dans un premier temps le poids de l'Islam (I) dans le processus de légitimation de l'autorité politique (A) et de démocratisation (B) afin de définir, ou non, un « exceptionnalisme arabe ». Une seconde partie relativisera cette tutelle du religieux sur le politique (II). Notre étude sera donc centrée sur un possible détachement du politique par rapport à la religion (A) qui favoriserait le processus de démocratisation du monde arabo-musulman (B).
[...] L'influence de l'Islam a donc été considérable, mais doit être, à l'époque contemporaine, relativisée face à l'amorce [ ] d'un tsunami démocratique au Moyen-Orient Bien que le manque de démocratie nourrisse l'intégrisme et le terrorisme, il serait absurde que l'Occident impose son propre modèle alors que des alternatives propres et originales voient le jour dans certains pays musulmans. Islam et politique B. Badie, G. Hermet, P. Birnbaum, P. Braud, Dictionnaire de la science politique, Paris, Dalloz p.139. B. Badie, G. Hermet, Politique comparée, Paris, PUF extraits : L'ordre musulman du ‘Tawhid' p.195-199. B. [...]
[...] C'est dans ce contexte de remise en cause de la prégnance de la religion que l'on observe des ouvertures à la démocratie significatives dans certains pays musulmans qui ont légalisé le multipartisme et organisé des élections auxquelles participe massivement la population, qui dans un élan libertaire, souhaite s'exprimer sur le sort de son pays. Islam et démocratie ne sont pas des notions si antinomiques que le laisse apparaître une application stricte de la Charia. Conclusion Le processus religieux de légitimation en premier lieu, amorcé la construction politique de l'Etat qui s'est, peu à peu, émancipé de sa tutelle religieuse pour se doter de fondements légitimes réellement politiques et orienté vers un fonctionnement plus démocratique. [...]
[...] Badie, G. Hermet, op cit. p.8 / p.225 L. Addi, L'islam est-il soluble dans la démocratie ? Revue Mouvement novembre-décembre 1998 L. Addi, op cit. p.8 / p.2 Ibid. p.8 / p.2 P. Droz-Vincent, Démocratisation ou islamisation Questions Internationales septembre 2006, p.85-90 P. [...]
[...] Badie et de G. Hermet : un pouvoir purement nomocratique est inconcevable Par déduction, le pouvoir légitimé seulement par le Coran qui bannit tout autre source de légitimité, est dénué de sens car un texte unique ne saurait proposer des solutions absolues applicables à n'importe quelle situation. Des efforts ont donc été consentis pour assouplir l'interprétation du Coran afin de répondre aux problèmes concrets posés à la Cité : l'ijtihad (la Loi Divine est élargie au traitement de cas nouveaux) et l'ijma (les nouvelles règles édictées sont légitimes). [...]
[...] Le prince devient donc capable d'édicter des normes pour se doter de moyens légaux lui permettant de gouverner Le Coran perdit donc au fur et à mesure son hégémonie doctrinale, bien que l'argument de nécessité pour légitimer l'action du prince ne soit en rien une marque de laïcisation du pouvoir car une idée, domine toujours, celle qu'une séparation stricte entre la religion et le politique est totalement étrangère à l'Islam Néanmoins, cet argument a été mis en avant face aux dilemmes d'interprétation du Coran qui devint alors plus un facteur de division et de faiblesse du régime, qu'un ciment idéologique. L'évidence du besoin d'un pouvoir politique fort et stable permit de contourner les équivoques inhérentes au Coran. Il faut ajouter à cela le fait que dorénavant, sous un tel régime de légitimité mettant en jeu l'intérêt du pays, les contestations à fondement religieux n'ont plus lieu d'être. [...]
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