L'Indonésie, vaste archipel aux 17 000 îles et aux 300 groupes ethnolinguistiques, n'est quasiment connu en France qu'au travers de deux de ses îles, Java et Bali. Outre cela, la République indonésienne, fraîchement débarrassée de l'autoritarisme du général Suharto, est constamment décrite par des journalistiques à la vision binaire comme « la première nation musulmane » du point de vue numérique. Mais au-delà des analyses souvent trop simplistes des médias, l'archipel n'est pas uniquement le premier pays musulman du monde. Le tableau se révèle bien plus complexe lorsqu'on prend la peine d'en étudier l'histoire récente et plus lointaine de l'Indonésie. En effet, le religieux indonésien s'est tissé au fil des migrations et de leurs apports extérieurs divers, s'opérant dans certains cas sous forme de syncrétismes. Mettre en relief cette complexité toute spécifique du religieux indonésien sera l'un des objectifs majeurs de ce travail parmi de nombreux autres problèmes que nous soulèverons.
Jusqu'alors jalousé pour sa légendaire tolérance religieuse et ethnique, le pays, au lendemain de la chute de Suharto, fut le théâtre d'une vague de violences interconfessionnelles et d'une vague d'attentats sans précédent. Ces tristes pages de l'histoire indonésienne nous amènent à nous poser cette question centrale : la société indonésienne reste-t-elle un modèle de référence en terme de rapports interconfessionnels pacifiques et de modération ? Ou, au contraire, cette diversité religieuse est-elle le moteur d'une cristallisation des tensions interreligieuses, en faisant ainsi un baromètre des tensions intercommunautaires se déroulant à l'échelle mondiale ?
[...] Dans l'île de Java, qui regroupe la majorité de la population indonésienne, deux grandes dynasties, l'une bouddhiste et l'autre hindouiste, laissent des traces avec la construction de nombreux temples, dont les plus importants, Borobudur, plus grand temple bouddhique du monde, et Prambanan, représentent des siècles après une fierté pour bon nombre d'Indonésiens et un atout touristique indéniable. L'archipel sera dominé du XIIIe au XVIe siècle par l'empire de Majapahit, un empire hindouiste cette fois-ci, qui persiste dans l'esprit des Indonésiens comme une période emblématique pour la société indonésienne. Mais cette indianisation ne saurait se réduire à des considérations touristiques. En effet, cette indianisation a permis de transformer la société indonésienne en profondeur et durablement. [...]
[...] Enfin, pour finir, Bali est historiquement et reste encore aujourd'hui un des derniers bastions hindouiste, l'Islam n'ayant eu quasiment aucune influence sur la religion de l'île où l'Hindouisme est très largement majoritaire alors qu'il est résiduel à l'échelle de l'archipel (environ de la population totale). Santri vs. abangan : Islam orthodoxe et engagé vs. Islam nominal : Comme nous venons de le voir, l'Islam d'Indonésie n'est pas réparti uniformément dans l'archipel, celui-ci ne connaissant pas, dans certaines zones (daerah), le statut de religion prédominante qui le caractérise à l'échelle nationale, et étant parfois même surpassé par les religions dites minoritaires. [...]
[...] La tolérance et la neutralité religieuse institutionnalisées : le Pancasila et le Ministère des Affaires Religieuses comme facteur d'unité nationale et d'harmonie : Les grandes orientations du Pancasila : l'unicité de Dieu dans la diversité Une mise en place nécessaire pour la jeune république indépendante : entre enjeu pour l'unité nationale et renoncement à l'Etat islamique Le Ministère des Affaires Religieuses : instance garante du bon équilibre entre les confessions et du dialogue interreligieux : III. Vers une radicalisation irrésistible des rapports entre Islam et religions minoritaires ? : A. [...]
[...] Ce qui nous intéresse vraiment ici est de voir l'implantation de l'Islam et des religions minoritaires à la lumière de constatations géographiques. Alors que Sumatra et une large partie de Java sont des bastions musulmans du fait que ces régions représentèrent le premier réceptacle de l'Islam dans l'archipel, les îles de l'Est ne connurent pas cette islamisation, ou dans une moindre mesure. Ce constat explique les observations que l'on peut faire facilement en regardant la carte religieuse de l'Indonésie. En effet, les îles orientales de l'archipel ont été pour ainsi dire préservées de la venue des marchands musulmans, qu'ils soient arabes ou indiens, de par leur caractère lointain. [...]
[...] Selon l'analyse évoquée plus haut, ceux-ci manqueraient de recul dans leur jugement, éludant l'importance de ces divers courants, et notamment de l'indianisation, dans le processus d'évolution des Indonésiens (par exemple apport de l'écriture) et l'emprunte qu'ils ont laissé dans la conscience collective indonésienne ainsi que la richesse culturelle exemplaire qu'ils confèrent à l'archipel[19]. Comme nous allons le constater par la suite, le clivage abangan/santri, a influencé et influence encore de manière non négligeable l'Islam indonésien et son poids dans la société, notamment du point de vue politique. [...]
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